Nous assistons à un tournant majeur dans la politique monétaire : contre toute attente, la Banque centrale européenne (BCE) a décidé, le mois dernier, de relancer son Quantitative Easing (QE) à hauteur de 20 milliards d’euros par mois (notre article), tandis que la semaine dernière, la banque centrale américaine (Fed) a décidé de faire de même, à hauteur de 60 milliards de dollars par mois, au moins jusqu'au deuxième trimestre 2020. Le "retour à la normale" semble encore s’éloigner et les investisseurs sont de plus en plus dubitatifs et inquiets vis-à-vis des autorités monétaires.

Selon la Fed, il ne faut pas y voir un nouveau QE car il s’agit seulement d’achat d’obligations du Trésor à court terme (moins d’un an), sans volonté, donc, d’influer sur les taux d’intérêt à long terme. Quelle blague ! Une telle quantité d’achat concentrée sur des échéances courtes ne manquera pas d’influer les taux au-delà d’un an, et surtout cela traduit un fort besoin de liquidités de la part des banques… Mais pourquoi, il y a un problème ? Oui, et on le sait puisque la Fed est intervenue depuis la mi-septembre sur le marché "repo", précisément destiné à fournir des liquidités au système bancaire. Elle continuera à intervenir sur le "repo" au moins jusqu'à la fin janvier 2020. Mais cela ne suffit pas, d’où la réactivation du QE.

En outre, ce nouveau QE aura l’avantage de faire baisser les taux à court terme et ainsi de redonner une forme "normale" à la courbe des taux d’intérêt (des taux courts inférieurs aux taux longs, du fait que le risque est moins élevé à court terme qu’à long terme). Mais cette normalisation sera obtenue par l’artifice de la planche à billets… Bienvenue dans l’économie centralisée.

Alors qu’il faudrait sortir des politiques monétaires laxistes, ce qu’avait commencé à faire la Fed, alors qu’il faudrait laisser les taux d’intérêt remonter afin de sortir des taux négatifs, alors que les banques centrales devraient laisser faire les forces du marché, c’est tout le contraire qui se produit sous nos yeux. Il n’y a pourtant pas de crise à l’horizon (comme en 2008, ou en 2011 en Europe avec la dette souveraine), seulement un ralentissement économique en Europe, ou alors les banques centrales savent des choses que nous ne savons pas…

C’est le secteur bancaire qui inquiète, des deux côtés de l’Atlantique. Les taux zéro aident les États en déficit, mais ils plombent les comptes des banques. À ce jeu, les banques européennes sont en bien plus mauvaise posture, car elles sont moins rentables et moins capitalisées que leurs consœurs américaines. La crise couve, d’où la réaction des banques centrales.

Mais dans ce tableau plutôt sombre, la banque centrale des Pays-Bas a détonné, en affirmant dans une publication officielle que "si le système s'effondre, le stock d'or pourra servir de base pour le reconstruire. L'or renforce la confiance dans la stabilité du bilan de la banque centrale et crée un sentiment de sécurité." Enfin un peu de bon sens ! Mais la formule sonne comme un avertissement et ceux qui n’auront pas d’or physique, les banques centrales comme les particuliers, connaîtront des temps très difficiles.

La reproduction, intégrale ou partielle, est autorisée à condition qu’elle contienne tous les liens hypertextes et un lien vers la source originale.

Les informations contenues dans cet article ont un caractère purement informatif et ne constituent en aucun cas un conseil d’investissement, ni une recommandation d’achat ou de vente.