De nouveaux chiffres permettent de mesurer l’ampleur du choc provoqué par la vague d’inflation post-Covid, tant sur la perte de pouvoir d’achat que sur les habitudes d’épargne. Et il est brutal.

Dans une note récente intitulée "L’épargne des Français au sommet" — comme s’il fallait que cela sonne comme une victoire — l’Insee annonce tout de même, lorsqu’on lit le document en détail, que "début 2025, quatre ménages sur dix déclarent mettre de l’argent de côté et sept sur dix limiter leur consommation" (lire la version PDF). Ah oui quand même.

Ainsi, plus de sept ménages sur dix déclarent chercher à limiter leur consommation : 37% pour boucler leur budget, 17% pour épargner, et 13% pour réduire leur impact environnemental — une motivation "plus fréquente chez les ménages aisés, jeunes et urbains", d'après l’Insee. Selon moi, il s’agit plutôt d’un déclassement non assumé, habillé en conduite éthique. Ça leur passera.

 

Motivation principale des ménages à la limitation de leur consommation

 

Une autre note de l’Insee montrait d’ailleurs concrètement l’incroyable appauvrissement des Français depuis la période pré-Covid : entre 2019 et 2024, la consommation de viande a chuté de 11,5%, celle de poisson de 19,7%, et celle d’habillement de 7,6%, en grande partie à cause de la hausse des factures d’énergie et du déremboursement de nombreux médicaments…

 

Évolution de dépenses : la consommation de viande et poisson a chuté

 

L’organisme statistique se félicite d’une consommation globalement stable, mais c’est une lecture pour le moins étrange : si la consommation d’électricité augmente, c’est avant tout parce que son prix progresse et qu’il s’agit d’une dépense contrainte. Personne ne se dit : "Je veux consommer plus d’électricité, j’adore ça, je vais tout laisser allumé la nuit et faire mes lessives en heures pleines !" En revanche, diminuer dans des proportions significatives sa consommation de viande et de produits de la mer constitue une véritable privation, une régression du niveau de vie.

Après la consommation, l’épargne : quatre ménages sur dix déclarent mettre de l’argent de côté, principalement "pour avoir des réserves en cas de coup dur". Pas pour préparer l’avenir — achat immobilier, transmission, placement — mais par crainte de ce qui pourrait arriver, notamment une perte d’emploi. "La France a peur", comme disait un célèbre présentateur télé des années 1970.

 

Motivation principale à l'épargne

 

En synthèse, comme l’explique l’Insee : "En mars 2025, 89% des ménages déclarent limiter leur consommation ou mettre de l’argent de côté, 46% limitent leur consommation mais ne mettent pas d’argent de côté [parce qu’ils n’en ont tout simplement pas les moyens], 16% mettent de l’argent de côté sans limiter leur consommation [les ménages aisés mais qui ont peur], 27% limitent leur consommation et mettent de l’argent de côté [en gros les classes moyennes]." Bref, ça va bien pour un Français sur dix seulement.

 

Part des ménages qui limitent leur consommation et/ou mettent de l'argent de côté

 

C’est une forme de repli sur soi, dictée par la peur. Une attitude dépressive, passive, qui n’incite pas à réfléchir à la meilleure manière d’épargner. L’assurance-vie et les livrets bancaires restent hégémoniques ; l'or physique, le bitcoin, les actions demeurent très minoritaires — malheureusement.

"La peur est mauvaise conseillère", dit l’adage. Et tout cela n’a, en effet, rien d’encourageant…

La reproduction, intégrale ou partielle, est autorisée à condition qu’elle contienne tous les liens hypertextes et un lien vers la source originale.

Les informations contenues dans cet article ont un caractère purement informatif et ne constituent en aucun cas un conseil d’investissement, ni une recommandation d’achat ou de vente.