Tout le monde sait que Donald Trump a lancé une guerre commerciale à grande échelle contre le monde. Qui sait, pour autant, que les banques centrales achètent de l’or dans des quantités historiques ? Beaucoup savent que les tarifs douaniers américains sur l’Europe seront désormais de 15%. Mais qui est au courant que la Chine continue ses achats d’or et qu’elle le fait, en plus, à la discrétion du plus grand nombre ? Ces enjeux sont étroitement liés mais ne sont pourtant pas traités de la même manière.

L’or suscite un intérêt croissant chez les spécialistes mais reste encore méconnu du grand public. Résultat : seuls 1% des actifs mondiaux sont investis dans l’or. La faible popularisation du métal jaune s’explique par de nombreux facteurs. Premièrement, l’or ne constitue plus un moyen d’échange. Son rôle historique de monnaie s’est arrêté en 1971 lorsque la fin des accords de Bretton Woods a marqué, par extension, la fin de l’étalon-or. Aucun état ne souhaite donc que ses citoyens accumulent de l’or : cela réduirait la confiance dans la monnaie qui a cours légal. Ensuite, l’or échappe par nature à tout contrôle étatique. Il peut être acheté auprès de fournisseurs privés et être détenu à discrétion. Or l’État, qui a par nature besoin de surveiller les dépenses de ses citoyens, se retrouve frustré de ne pas avoir le contrôle. Dans une période de crise des finances publiques comme la nôtre, c’est d’autant plus évident que tout investissement dans la dette publique serait nettement plus profitable que dans des actifs personnels, comme l’or, non contrôlables par l’État. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’aux États-Unis, Trump cherche à faire passer une loi, nommée Genius Act, sur les stablecoins visant à adosser chaque dollar investi dans ces crypto-monnaies à des titres de dette américaine (de son côté, l’or conserve un pouvoir historique trop important pour connaître le même sort).

Les biais psychologiques et la faible culture financière sont d’autres éléments d’explication. L’or est un actif qui repose sur près de 5000 ans d’utilisation, qui a traversé les siècles, les civilisations, et a été utilisé comme moyen d’échange de diverses manières tout en restant au cœur de tout système monétaire. Mais très peu ont aujourd’hui connaissance de cette information. Au même titre que l’ethnocentrisme nous rappelle que nous jugeons tout selon notre propre culture, nous avons tendance à oublier que ce qui existe aujourd’hui ne l’a pas toujours été et n’a également pas une durée éternelle. Nous oublions que la monnaie papier ou numérique n’est que récente dans l’histoire et qu’elle permet de soutenir un outil, la monnaie, dont l’or a pourtant été la référence pendant des millénaires. Nous oublions également, pour citer Voltaire, que toute monnaie fiduciaire a une valeur intrinsèque égale à zéro, alors que la valeur de l’or dépend, elle, de son poids réel. Cette explication est peu répandue car l’éducation et la culture financière restent limitées dans la plupart des pays (en particulier la France).

Pour ceux qui ont conscience du caractère historique de l’or, sa valeur est parfois méprisée pour des raisons culturelles ou financières. Des divergences existent selon les continents : en Europe, l’or n’est que très peu représenté tandis qu’en Asie, pour des raisons culturelles essentiellement, c’est un actif prisé. Il est à noter par ailleurs que les mouvements que nous observons aujourd’hui, en particulier les achats massifs d’or des banques centrales des pays dits du « Sud » (ou de l’Est), ne font que refléter les rapports de force géopolitiques existants. Le cœur de l’économie mondiale se déplaçant des pays occidentaux aux BRICS, qui représentent désormais 30% du PIB mondial (soit plus que les pays du G7), les pays de l’alliance multipolaire accumulent davantage d’or. Étant donné l’actualité, il est d’autant plus logique que le métal jaune soit davantage populaire dans ces pays que dans les pays occidentaux en ce moment. Par ailleurs, l’or est souvent associé à une image ancienne et obsolète. Nombreux sont ceux qui préfèrent s’intéresser aux nouveaux actifs technologiques ou aux crypto-monnaies qu’ils perçoivent comme des valeurs d’avenir. L’or a longtemps été vu comme une relique barbare, pour reprendre les termes de Keynes, face aux nouvelles formes monétaires. Pour certains, dont de nombreux économistes, qu’un système monétaire se construise autour de l’or reviendrait à faire un pas en arrière, ce qui, dans un monde où le progrès est une fin en soi, n’a pas sa place. Malgré ces phénomènes, l’or connaît pourtant un regain et retrouve une importance majeure, comme si un retour à la réalité s’imposait. À l’ère de polycrises que nous traversons, il connaît un succès majeur en tant qu’investissement pour les particuliers et en tant que réserve de valeur pour les banques centrales.

Enfin, l’or est parfois mis de côté pour des raisons financières, car il ne procure aucun rendement. Mais cette vision occulte le fait qu’il figure parmi les actifs les plus performants depuis le début du siècle, avec une hausse annuelle de 8% en moyenne. Et aujourd’hui, l'or atteint sans cesse de nouveaux sommets qui ne sont que les prémisses de ce qui pourrait advenir dans les années à venir, étant donné l’inflation persistante, la dédollarisation du monde, la multiplication des crises… Par ailleurs, il ne génère pas de commissions ni de frais récurrents contrairement aux autres actifs, ce qui peut expliquer le désintérêt des banques. Enfin, contrairement aux livrets ou aux actions, il n’est presque jamais présenté comme une option d’épargne.

Pour des raisons diverses, qu’elles soient sociales, culturelles, politiques ou financières, l’or reste encore donc peu évoqué auprès du grand public. Cette tendance pourrait toutefois évoluer. La principale demande pour le métal jaune vient aujourd’hui d’institutions, les banques centrales, or leurs achats renforcent la confiance des investisseurs. Par effet mécanique, cet intérêt accroît progressivement la popularisation de l’or, y compris dans les pays occidentaux. La faiblesse des taux d’intérêt ces dernières années et la baisse de rendement des livrets d’épargne, combinée à l’inflation désormais persistante, a également incité à s’intéresser à d’autres actifs. En tant que valeur refuge, avec une croissance très forte, l’or apparaît en première ligne. Si cette tendance a ralenti avec la récente hausse des taux d’intérêt et la bulle sur les valeurs technologiques américaines, la popularisation du métal jaune s’accroît dans le temps long, car l’or reste un actif intemporel.

La reproduction, intégrale ou partielle, est autorisée à condition qu’elle contienne tous les liens hypertextes et un lien vers la source originale.

Les informations contenues dans cet article ont un caractère purement informatif et ne constituent en aucun cas un conseil d’investissement, ni une recommandation d’achat ou de vente.