La valeur de toute monnaie repose sur la confiance. La confiance dans l’institution qui émet cette monnaie, dans la banque qui la détient, dans la personne avec qui elle est échangée, mais également dans la stabilité et la puissance du pays. Or, à mesure que la quantité de monnaie s’accroît et dépasse la quantité de biens et services produits, sa valeur se réduit et la confiance se perd, sous toutes ses formes. Lorsqu’un tel phénomène se produit, de manière inévitable la puissance du pays émetteur suit la même évolution. Ce changement entraîne alors des mouvements de capitaux vers d’autres valeurs et d’autres pays, dont l’or, comme nous le montre l’histoire. C’est ce que nous observons aujourd’hui vers les pays de l’Est. Les achats d’or par les banques centrales des nouvelles puissances, dont la Chine et la Russie, reflètent un basculement du pouvoir mondial de l’Ouest à l’Est qui n’en est qu’à ses prémices.

Revenons aux fondamentaux. Si nous acceptons une monnaie qui n’a pas de valeur intrinsèque, contrairement à l’or ou l’argent, c’est parce que nous croyons tous que cette monnaie sera acceptée collectivement. On parle alors de monnaie fiduciaire provenant du latin fiat (signifiant « qu’il en soit ainsi »). Au même titre qu’un billet de 10€ n’a de valeur que celle qu’on lui donne, un transfert de 10€ d’un compte bancaire numérique à un autre (étant une dette qui circule) n’a également de valeur que celle qu’on lui donne. La valeur d’une monnaie ne prend donc forme que lorsque nous acceptons tous de la reconnaître pour ce qu’elle est. C’est de ce principe que démarre la confiance accordée à tout système monétaire… Car au fond, sa valeur intrinsèque est fictive. Dans le système-dette existant, vieux de plusieurs siècles, la monnaie n’étant créée que par la dette, nous ne faisons qu’échanger des promesses de remboursement.

Cette confiance est toutefois amenée à fluctuer. Si ces 10€ perdent de leur valeur avec le temps, chacun se demande pourquoi faire confiance à l’institution et le pays émetteur alors qu’ils sont censés garantir la valeur de cette monnaie. On nous avait promis que ces 10€ resteraient stables alors que ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’engagement n’est donc plus respecté. C’est de ce principe que démarre l’éclatement de tout système monétaire…

Les exemples de pays ayant connu de telles crises monétaires sont innombrables. La plupart des grandes puissances ont même fini par s’effondrer de cette manière. Que ce soit la Grèce antique, l’Empire romain, l’Empire byzantin, les Pays-Bas au XVIIème siècle, la France au XVIIIème siècle, l’Allemagne au début du XXème siècle, et désormais les États-Unis, car nous assistons aujourd’hui à une perte de confiance dans le système financier international.

Tout a commencé en 1945 lorsque le dollar est devenu la monnaie de référence dans le monde. Puis en 1971 lorsque nous sommes passés de l’étalon-or à l’étalon-dollar. Les États-Unis sont parvenus, du fait de leur puissance sans égal, à imposer leur propre système monétaire autour du dollar. Dès lors les investisseurs mondiaux ne se refugiaient plus sur l’or mais sur le dollar en achetant des bons du Trésor. Une grande partie de la force de ce système, comme nous le savons, est d’avoir imposé aux principaux pays producteurs l’échange de matières premières en dollars, car tout pays qui souhaitait acquérir ces ressources vitales devait préalablement posséder des dollars.

Par ailleurs, pour assurer la pérennité de cette hégémonie, les États-Unis ne se sont pas contentés d’éliminer toute forme de concurrence. Ils ont également créé les conditions nécessaires pour que le prix de l’or reste artificiellement bas afin qu’aucun pays ou alliance ne s’y intéresse pour construire un système parallèle. Au cours des dernières décennies, les achats d’or par des puissances étrangères étaient suivies de près par la puissance américaine qui s’est également mise à vendre et louer une partie de ses réserves d’or, étant déjà les principaux détenteurs.

Mais ce système a connu ses limites au fil du temps. Comme les États-Unis se sont massivement endettés, le dollar a perdu de sa valeur et la confiance s’est trouvée réduite. Ce phénomène était une évidence pour celui qui pensait ce sujet il y a plus d’un demi-siècle : comme les États-Unis étaient obligés d’émettre massivement des bons du Trésor pour inonder le monde de dollars et maintenir leur hégémonie, la monnaie américaine devait forcément finir par se déprécier. Et ce malgré le fait que les gouvernements américains successifs n’aient cessé de recourir, jusqu’à aujourd’hui, à des politiques de plus en plus agressives. Cela n’a pourtant pas été suffisant. Au contraire, ces politiques ont fini par accélérer la perte de confiance dans le système monétaire américain. Les nouvelles puissances et pays émergents ont été incités à se dédollariser et à acheter de l’or, faisant constamment baisser la valeur du dollar. Par ailleurs, les États-Unis, qui ont sans cesse besoin de trouver de nouveaux acheteurs pour financer leur dette extérieure, font face à des difficultés croissantes étant donné les circonstances et le montant total de leur dette. Il y a 25 ans, les réserves mondiales en dollars représentaient près de 75% des réserves totales, aujourd’hui, c’est à peine plus de 50%. À l’inverse, les banques centrales n’ont cessé d’augmenter leurs réserves en or ces dernières années, à tel point qu’elles détiennent désormais plus d’or dans leurs réserves que de dollars. Le métal jaune est donc considéré comme une valeur plus sûre que la monnaie américaine…

Cette perte de confiance a un prix. Sur les cinquante dernières années, la valeur du dollar s’est dépréciée de plus de 100% face à l’or qui, lui, se positionne comme l’étalon dominant. Ainsi non seulement la confiance dans le dollar s’est affaiblie, mais elle s’est surtout déplacée vers l’or, dans le mouvement inverse du basculement débuté en 1971.

Plus largement, la perte de valeur des monnaies fiat a créé une anxiété généralisée dont la montée de l’or n’est que le reflet. Les achats des banques centrales, tout comme ceux des investisseurs particuliers, ne font que traduire cette tendance. L’attrait pour un actif aussi ancien s’explique par l’incertitude omniprésente, mais aussi parce que le système monétaire dominant est arrivé à un stade qui impose un retour à la réalité. Car l’or n’est pas un actif comme les autres : du fait de son caractère intemporel, de sa quantité limitée et de son utilisation historique comme moyen d’échange, il reste l’actif de référence.

Dans ce contexte, la grande question qui se pose est de savoir sur quelle monnaie reposera le nouveau système financier international. Maintenant que la confiance dans le système existant est presque achevée, qu’elle se déplace progressivement vers le nouveau cœur de l’économie mondiale, à savoir les pays de l’Est, toutes les solutions sont possibles. D’autant que contrairement aux siècles passés, nous sommes entrés dans un monde multipolaire qui ne semble pas laisser place à une unique superpuissance. Reste donc à savoir si la demande pour l’or n’est que le reflet de cette perte de confiance ou si elle ira jusqu’à faire du métal jaune la prochaine monnaie de référence.

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