La France traverse une période critique de son histoire. Si la crise de régime de 1958 était un moment majeur, celle que connaît le pays aujourd’hui est tout autre, car elle s’inscrit dans le contexte d’un monde en rupture. À la crise démocratique et politique du pays se mêle désormais l’éventualité d’une crise financière. Les marchés commencent à sanctionner le pays qui s’apprête désormais à tous les scénarios possibles. La France reste le seul État de la zone euro qui cumule quatre déficits simultanément (budget, balance commerciale, budget primaire, et balance des paiements) tout en étant le plus endetté.
"La politique de la France ne se fait pas à la corbeille", affirmait le général de Gaulle en 1959, pour rappeler que la nation doit rester entièrement souveraine en matière économique. Or, lorsqu’on voit les décisions prises par l’ex-Premier ministre François Bayrou, on se demande où est passé l’héritage du Général. Au cours de l’été, un plan de 44 milliards d’euros d’économies a été présenté, comprenant des réductions budgétaires diverses (dans le fonctionnement de l’État, les collectivités locales, la santé, et d’autres mesures impopulaires comme la suppression de deux jours fériés…). Avec pour seul objectif, au fond, de conserver la confiance des créanciers. Contrairement à l’époque de Charles de Gaulle, où la France n’était endettée qu’à hauteur de 30% de son PIB, la dette du pays représente aujourd’hui 110% de son PIB. Les clés de son destin ne sont plus tout à fait entre ses mains.
Ce basculement s’est produit au fil des décennies. Depuis que la France a cessé d’emprunter auprès de sa banque nationale en 1973, qu’elle a rejoint le grand bain de l’économie financiarisée dans les années 1980, qu’elle a commencé à émettre sa dette dans une monnaie supranationale au début des années 2000, et de surcroît à emprunter essentiellement auprès d’investisseurs étrangers, elle a perdu tout pouvoir d’influence. Les gouvernements successifs ont alors continuellement augmenté la dette du pays sous couvert qu’une telle politique permettait d’assurer l’État providence et avec la garantie que le parapluie de l’euro et de la BCE serait toujours présent. Les banques centrales de la zone euro fonctionnent pourtant aujourd’hui avec des fonds propres négatifs (après les sauvetages répétés de la BCE) et l’euro n’a cessé de perdre de sa valeur…
Le grand mal français, de ce point de vue, n’est pas de trop dépenser mais de s’être trop endetté. C’est bien parce que la France s’est trop endettée qu’elle dépense autant. Emmanuel Macron en est le principal responsable, ayant augmenté la dette de plus d’un tiers de son volume total pour assurer essentiellement sa réélection et endiguer la colère citoyenne. Il existe d’innombrables exemples de pays dont les dépenses sont massives mais la dette modérée (Norvège, Suède, Luxembourg, Finlande…). Mais il n’existe aucun pays dont la dette est très élevée sans que les dépenses le soient tout autant (hormis exception faite du Japon qui est détenteur de sa dette à presque 100%). Ce phénomène n’est pas sans raison : plus un pays s’endette, plus les richesses dans le pays se concentrent et les inégalités augmentent, ce qui implique des dépenses sociales en croissance pour conserver la stabilité politique… Qui plus est, les perspectives de croissance se réduisent, car ses revenus se concentrent dans des dépenses qui ne créent pas de richesses. En la matière, la France fait partie des pires élèves de la zone euro.
Le prochain gouvernement ne fera donc que récupérer les errements des politiques passées. Or, étant donné qu’aucune majorité ne risque d’être trouvée, le pays risque d’être bloqué jusqu’en 2027... À cette situation s’ajoute la colère démocratique, comme le montre le mouvement "Bloquons tout". Et aujourd’hui, la paix sociale ne peut plus être achetée comme pendant la pandémie avec la distribution de chèques en tous genres.
Cette période d’incertitude politique bloque l’élaboration du budget et suscite l’inquiétude des marchés. Une fois encore, si la dette de la France était faible ou même modérée, la situation serait sous contrôle. Mais avec une dette de plus de 3300 milliards d’euros, l’incertitude s’accroît et fait bondir les taux d’intérêt, la France empruntant désormais en moyenne à un coût plus élevé que la Grèce et plus élevé que lors de la crise des dettes souveraines. C’est dire tout l’enjeu de la situation… Dans de telles conditions, les intérêts de la dette, qui représentent déjà plus de 60 milliards d’intérêts annuels, pourraient atteindre 110 milliards d’euros en 2029.
Cette situation peut rapidement s’emballer. Premièrement, l’agence Fitch doit donner le 12 septembre son verdict vis-à-vis de la notation de la dette française. Étant donné les conditions actuelles et le volume historique de dettes émises cette année, une dégradation de la note française de AA- à A est très probable, ce qui accentuerait davantage le niveau des taux. Ensuite, la démission du gouvernement crée une vague de flou dans le pays qui peut se solder par une attaque des marchés sur la dette française. En fin de cycle, comme aujourd’hui, aux difficultés politiques se combinent toujours des difficultés financières. Le risque d’une crise financière dans le pays n’est pas à exclure, même si l’intervention d’institutions étrangères dans la septième puissance mondiale n’est pas pour demain.
La zone euro serait la première affectée par cette situation. De telles fragilités dans la deuxième économie de la zone toucheraient l’ensemble des pays européens. Le continent traverse déjà une période d’extrême fragilité étant donné que la mondialisation, sur laquelle l’Union européenne s’est construite, est en rupture. Du fait de l’interdépendance des États membres, les conséquences pourraient se ressentir à tous points de vue : premièrement pour les banques européennes exposées à la dette française, ensuite sur le cours de l’euro, sur la croissance européenne, sur la confiance des marchés dans l’Union européenne, et même dans la stabilité de ses institutions.
L’épargne des Français est également impactée. Déjà, le taux d’épargne augmente dans l’Hexagone pour atteindre près de 19%, un niveau historiquement élevé, semblable aux années 1980, et supérieur à l’Allemagne pour la première fois depuis 2000. Cette tendance s’explique par la dégradation de la situation financière et l’instabilité politique, mais aussi par le risque de hausses d’impôts. L’incertitude est donc la principale explication, les Français épargnent pour se prémunir d’un avenir incertain. Dans ce contexte, l’or devrait naturellement occuper une place centrale.
Alors que la demande pour le métal jaune demeure aujourd’hui soutenue par les investisseurs institutionnels, en particulier les banques centrales, une nouvelle tendance commence à émerger. Les rendements obligataires perdent de leur valeur et avec l’inflation, les monnaies se déprécient davantage… Les dangers autour de la publique, poussent les investisseurs à se tourner vers les actifs refuge, dont l’or physique (lingots et pièces). D’autant que les situations d’instabilité politiques — comme c’est le cas en France — incitent à s’éloigner des actifs dépendants des décisions d’États (en particulier depuis que les débats se multiplient pour une orientation de l’épargne vers la dette publique). À l’instar de nombreux pays en crise, la France pourrait être confrontée à de grands mouvements de réorientation de l’épargne nationale.
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