La plupart des diplômés en droit sont capables de plaider les deux côtés d'une même affaire, indépendamment de leur conviction première.
S'agissant de l'or, je n'ai jamais dévié de ma position sur l'orientation ultime de son prix (à la hausse) et sur son rôle historique (préservation de la richesse).
Cela ne m'a cependant pas empêché de trouver de solides contre-arguments à ma propre argumentation (et à celle des autres) en faveur de la détention d'or physique.
Je vais donc examiner ci-dessous les arguments de l'accusation et de la défense au sujet de l'or, et je vais également faire la lumière sur la phase de mania actuelle du Bitcoin et sur le piège éventuel qu'il représente.
Bien que je ne sois pas ici pour critiquer le Bitcoin ou ceux qui le défendent, je souhaite faire réagir ceux qui comparent le Bitcoin à l'or, ou pire encore, ceux qui pensent que le Bitcoin est le "nouvel or".
Grosse erreur.
Cela dit, il y a des vents contraires à l'or qui méritent d'être pris en considération, surtout par ceux qui ne considèrent pas l'or comme un investissement à long terme et qui sont facilement effrayés par les gros titres et les fluctuations de prix à court terme.
Pour quelqu’un qui considère l’or comme une assurance incendie à long terme pour des monnaies qui brûlent déjà, une telle volatilité des prix importe peu, car le rôle de préservation de la richesse à long terme de l'or reste sans égal devant les tribunaux de l'histoire.
Alors que le ratio dette/PIB augmente dans le monde entier, il n'existe aucun mécanisme mathématique permettant de sortir des canyons de dettes creusés par nos estimés banquiers centraux.
Cela signifie que nous pouvons nous attendre à davantage d'emprunts, d'impression monétaire et de dépenses à l'avenir - et donc à une configuration sans précédent dans l’histoire des métaux précieux, alors que la masse monétaire mondiale passe de la stupidité (homicide involontaire) à la folie pure et simple (meurtre au premier degré).
Regardons la situation dans son ensemble, en tenant compte des vents contraires et arrière à l'or, et laissons à chacun le soin de tirer ses propres conclusions, les miennes étant déjà connues.
Les ratios Or & Argent dans une nouvelle anormalité
Au cours des 50 années qui se sont écoulées depuis que Nixon a supprimé l'étalon-or américain, nous avons assisté à une valse rythmée entre le prix de l'or et celui de l'argent, la chorégraphie étant connue de la plupart d’entre vous.
Plus précisément, la danse implique que l'argent soit à la traîne derrière l'or, puis se déplace beaucoup plus rapidement, après quoi, du moins depuis 1971, les deux métaux voient souvent leur prix baisser simultanément.
Depuis l’époque de Nixon, le ratio or/argent est passé de 47 (1973) à 19 (1974), puis à 40 (1978), 65 (2016), jusqu'à 123, et est récemment revenu à 70.
Cette danse d’aujourd'hui annonce-t-elle un autre marché baissier pour les deux métaux ?
La réponse est simple : non, et pour les investisseurs qui pensent le contraire, je dirais qu'il vous manque des fondamentaux. Je vous en dirai plus sur ce sujet ci-dessous.
LA BAISSE de la demande des banques centrales : des vents contraires pour les métaux précieux ?
Les procureurs des métaux précieux argumenteront que les banques centrales ont ralenti leurs achats d'or. C'est un argument valable.
En 2020, les banques centrales ont acheté un volume record de 660 tonnes d'or, mettant ainsi fin à dix ans de frénésie avec au total plus de 5 000 tonnes.
Mais ces achats ont ralenti, tout comme la flambée du prix de l'or en 2020 - pour l'instant.
De plus, l'accusation fera valoir que l'or vendu par les banques centrales n'a pas été racheté avec le même enthousiasme .
La banque centrale russe, par exemple, a récemment annoncé une suspension des achats d'or supplémentaires, davantage en raison de la crise de liquidités qu'elle subit du fait de la chute des prix du pétrole et de la crise sanitaire qu'en raison d'une perte de confiance à long terme dans ce métal.
La Turquie, gros acheteur d'or au début de l'année 2020, est aussi susceptible de freiner ses achats si ses conditions financières se détérioraient en 2021.
Quant à la Chine, qui a dépassé l'Inde en tant que premier acheteur mondial d'or au cours des deux dernières décennies, elle atteste aujourd'hui d'une diminution de la demande, car les primes appliquées traditionnellement au-dessus du prix international de l'or ont diminué au lieu d'augmenter, et se négocient maintenant à la baisse.
Le Bitcoin, une alternative ?
Inutile de dire que le Bitcoin a également fait les gros titres, et pris des parts du marché de l'or (et le "buzz" de l'or).
Les procureurs des métaux précieux rappelleront au tribunal de l'opinion publique que les 2 milliards $ de flux sortants des ETF aurifères et les 7 milliards $ de flux entrants vers le Bitcoin ne peuvent être ignorés. Les partisans des devises numériques assimilent la blockchain au "nouvel or".
Hmmm.
Le Bitcoin n'est pas le nouvel or... Mais alors, qu'est-ce que c'est ?
Un système de paiement en espèces ?
Conçu à l'origine comme un système de paiement numérique, la noble vision du Bitcoin comme portefeuille électronique pour des "jetons" non diluables dans un monde de monnaie fiduciaire devenu fou a rapidement été usurpée par son utilisation sur les plateformes illégales de vente de drogues et autres.
De telles utilisations obscures sont moins débattues aujourd'hui, le Bitcoin étant de plus en plus connu du grand public.
Le Bitcoin n'est toutefois pas seul, ni même dominant, comme moyen de paiement.
Au cours de la dernière décennie, des moyens de paiement comme Cash App, Zelle, Apple Cash ou encore Venmo ont vu le jour, permettant d'effectuer des virements en quelques secondes à des coûts raisonnables.
Les frais du Bitcoin sont d'environ 10 $ par transaction, mais pratiquement personne n'achète de Bitcoin pour de telles transactions, les autres moyens étant plus performants.
La vérité est simple : les détenteurs de Bitcoins s'enrichissent simplement en regardant leur portefeuille Coinbase grossir et non pas parce qu'ils croient que le Bitcoin est (ou sera) le prochain support pour leurs achats d'épicerie ou de voiture.
La seule chose qui préoccupe les détenteurs de Bitcoin, à l'exception de s'enrichir rapidement, est le coût de l'électricité nécessaire pour extraire davantage de ces jetons magiques, alors que les inquiétudes augmentent au sujet de la saturation, voire de la mort, du réseau électronique d'où les pièces sont "extraites".
Attention aux Bitcoins
Encore une fois : qu'est-ce que le Bitcoin ? Est-ce un système de paiement en ligne ?
S'agit-il d'un "or numérique" véritablement sûr et insaisissable qui protégera ses détenteurs contre les monnaies fiduciaires dévalorisées et les risques d'inflation inévitables mais ignorés qui les attendent ?
Pour résumer, le Bitcoin enverra-t-il l'or dans les livres d'histoire et le prix de l'or au sol ?
En bref, la réponse est un grand "non".
Les jours dorés de l'or sont encore à venir
Pourquoi ?
Bien qu'il soit normal de s'attendre à une phase de correction au sein du marché haussier à long terme de l'argent et de l'or, les retracements de prix des derniers jours signalent une opportunité d'achat, et non pas une panique baissière.
Le marché haussier de l'or d'aujourd'hui est très différent de celui de 1971 à 1978 ou de celui 2010, qui ne suscitaient que peu d'intérêt ou de demande de la part des acheteurs occidentaux.
La demande à venir sera en fait davantage tirée par les acheteurs occidentaux que par les acheteurs orientaux, bien que les investisseurs d'aujourd'hui ne puissent pas ignorer la baisse de la demande de la Chine, de la Russie ou de l'Inde.
Cela dit, la danse or-argent décrite ci-dessus sera très différente à l'avenir, car les deux métaux se synchroniseront plutôt que de faire deux pas en avant, un pas en arrière.
Plus important encore, l'environnement général (c'est-à-dire les macros complètement absurdes) dans lequel se négocient actuellement l'or et l'argent est extrêmement différent du monde dans lequel ils ont évolué pendant l'ère post-Nixon et les cycles décrits ci-dessus.
Une toute nouvelle anormalité
Contrairement aux cycles antérieurs de hausse et de baisse, l'économie mondiale actuelle, à l'opposé de 1973, 1979 ou 2011 par exemple, est totalement en faillite, la dette mondiale s'élevant à 280 000 milliards $, soit un tiers du PIB mondial. Ce chiffre est consternant.
Pour payer cette dette, les banques centrales comme la Fed ont pratiquement épuisé les rendements du marché du Trésor. Les rendements réels des obligations sont tous négatifs, et donc techniquement en défaut.
Avec une dette aussi importante, la seule façon de la payer a été d'imprimer des dollars, des yens et des euros. Beaucoup, beaucoup, beaucoup. Il suffit de regarder la récente vague d'impression de la Fed...
Les bilans des banques centrales (c'est-à-dire les niveaux des montants incompréhensibles des devises imprimées) ne ressemblent à rien de ce qui a été vu auparavant dans l'histoire des marchés de capitaux.
Avec plus de 30 000 milliards $, le niveau de la monnaie fiduciaire (c'est-à-dire de la fausse monnaie) n'a jamais été aussi élevé, de sorte que les quantités de papier-monnaie de plus en plus dépréciées n'ont jamais été aussi grotesquement gonflées, ni le pouvoir d'achat qui leur est corrélé aussi profondément avili.
Cela signifie aussi, bien sûr, que la nécessité d'une véritable réserve de valeur pour légitimer des monnaies fiduciaires aujourd'hui ouvertement discréditées n'a jamais été aussi grande.
Jamais. Jamais.
Mais le Bitcoin est-il la réponse au désastre des monnaies fiduciaires ?
Non.
Le Bitcoin n'est pas le nouvel or
Le Bitcoin, en tant que réserve de valeur nécessaire à l'inévitable recalibrage (ou réajustement) des marchés actuels de la dette et des devises, n'est tout simplement pas la solution.
En d'autres termes, le Bitcoin peut être beaucoup de choses, mais il n'est pas un stabilisateur de monnaie.
En tant qu'instrument de spéculation, bien sûr, le Bitcoin est (pour l'instant) un actif de rêve absolu, avec un pouvoir spéculatif et de prix bien plus important que l'or, comme le confirme le ratio Bitcoin/Or :
La multiplication par 5 du cours annuel, les 10% de gains (et pertes) quotidiens et les millionnaires du jour au lendemain grâce au Bitcoin sont sans comparaison, même par rapport au succès spéculatif dont l'or a récemment bénéficié.
C'est là un point clé (et un problème) pour le Bitcoin.
Bien que l'or puisse connaître et connaîtra des hausses (et des baisses) de prix, les types de hausses (et de baisses) enregistrées par le Bitcoin montrent que la cryptomonnaie est beaucoup trop volatile pour être considérée comme une réserve de valeur crédible.
En bref, le Bitcoin ne sera pas le prochain actif au bilan de la Fed, ni intégré dans le panier de devises composant les Droits de Tirage Spéciaux du FMI.
Les fluctuations extrêmes des prix du Bitcoin invalident ses prétentions en tant que réserve de valeur. Point final.
Quant au caractère insaisissable du Bitcoin, c'est en fait tout le contraire. Il y a déjà eu de nombreux cas de confiscation par le gouvernement de cet actif numérique.
De plus, et la plupart des gens l'ignorent, le code source du Bitcoin (et l'inclusion complexe d'une modification de format de transaction, sous le nom de "témoin séparé" par les mineurs du Bitcoin) signifie qu'il n'est plus un système de monnaie numérique utilisable comme moyen d'échange par d'autres plateformes gigantesques, comme... disons Amazon.
Au lieu de cela, le Bitcoin est maintenant considéré et détenu comme le nouvel or - un actif à l'offre limitée qui sert d'alternative aux monnaies fiduciaires.
Hmmmm.
Mais comment le Bitcoin va-t-il servir une population mondiale qui achète et vend des produits dans la seconde quand il ne peut traiter qu'environ 350 000 transactions par jour ?
Encore une fois, et quelle que soit votre ou mon opinion des "experts" mondiaux, le Bitcoin ne sera pas leur nouvelle monnaie, mais simplement le nouvel outil d'une phase de mania permettant à de nombreux investisseurs de s'enrichir - pour l'instant.
Manipulation des Bitcoins - l'Effet TETHER
Comme pour tout nouveau jouet sur le marché, les possibilités d'abus et de fraude sont bien sûr possibles, voire tentantes.
Par exemple, il y a de plus en plus de preuves, plutôt que de simples théories, que la hausse astronomique du Bitcoin a été artificiellement manipulée, en partie, par le biais d'une ou plusieurs stablecoins, y compris le Tether (USDT).
Sans vouloir être trop complexe, le Tether était un stablecoin, c'est-à-dire une crypto monnaie censée être garantie à 1:1 par le dollar.
Il est de plus en plus évident que des agents de l'USDT frappaient des pièces de Tether à partir de rien (un peu comme la Fed crée des dollars), puis utilisaient ces pièces USDT créées par magie pour acheter des Bitcoins sur des bourses comme Bitfinex.
Les défenseurs du Bitcoin, bien sûr, ont été très enclins à minimiser l'histoire du Tether, mais le potentiel de manipulation du prix du Bitcoin ne peut tout simplement pas être ignoré.
De telles inquiétudes feraient du Bitcoin quelque chose de bien pire qu'une bulle spéculative : un actif artificiel alimenté par la demande artificielle d'autres pièces artificielles. Un véritable château de cartes comme le monde numérique en verra bien d'autres.
Les monnaies numériques sont donc exposées à un un risque massif de manipulation - et donc de destruction.
Encore une fois : Toutes les conversations retournent à l'Or...
Il va de soi que l'or trouve sa stabilité et sa source dans le tableau périodique des éléments, la science et le monde physique, et non dans un monde de logiciels, de pirates informatiques ou de commerçants numériques.
Le Bitcoin ne génère aucun flux de trésorerie, n'a aucune utilité industrielle ou de consommation autre que celle de vendre à quelqu'un d'autre.
Soyez prudent, tout simplement.
Lorsque le monde se rendra compte que les monnaies fiduciaires (qui n'ont elles-mêmes aucune valeur) ont besoin d'un chaperon plutôt que d'un imposteur technique de plus afin de limiter la dépréciation et les distorsions des devises, un réadossement à l'or sera non seulement essentiel, mais inévitable.
Toute autre solution serait une mascarade, et nous sommes tous, bien sûr, de plus en plus fatigués des mascarades financières.
Plaidoyer final
Pour chacune des raisons susmentionnées, l'or entre dans une nouvelle ère ainsi que dans un nouveau marché haussier, bien qu'il ne soit pas exempt de volatilité des prix ou même de manipulation.
Le récent ordre de vente de 1,4 million d'onces d'or en une seule transaction sur un marché non liquide, par exemple, a constitué une preuve supplémentaire que les prix de l'or peuvent être manipulés par les banques d'investissement qui déversent des volumes massifs d'or pour couvrir des positions à court terme antérieures.
Dans l'ensemble, cependant, les matières premières naturelles, comme les forces naturelles du marché, ont le dernier mot sur les marchés artificiels, les monnaies artificielles et même l'"or" artificiel comme le Bitcoin. Pour ceux qui cherchent à se couvrir contre ces forces non naturelles, ainsi que contre l'inflation et les devises dévaluées d'ici et de demain, l'or naturel préservera votre richesse ; les Bitcoins fabriqués ne le feront pas.
Source originale: Goldswitzerland
La reproduction, intégrale ou partielle, est autorisée à condition qu’elle contienne tous les liens hypertextes et un lien vers la source originale.
Les informations contenues dans cet article ont un caractère purement informatif et ne constituent en aucun cas un conseil d’investissement, ni une recommandation d’achat ou de vente.