L'IVASS, l’autorité de régulation de l’assurance-vie en Italie, a décidé le 22 février de placer Eurovita, l'un des leaders du secteur, en redressement judiciaire. Le propriétaire, le fonds d’investissement britannique Cinven, a en effet refusé toute recapitalisation. Il s’est ravisé au dernier moment et a accepté d'injecter 100 millions d’euros dans la société. Mais cela ne change rien, cette somme est insuffisante. Il en faudrait au moins quatre fois plus.

Comme l’indique l’agence Reuters, "pour endiguer les flux sortants, Eurovita a interrompu les rachats anticipés de ses polices d'assurance jusqu'à la fin du mois de mars." Les 350 000 clients se retrouvent coincés, pour un montant total d’environ 15 milliards d’euros. Ils ne peuvent plus retirer le moindre euro ! En effet, cela est possible en vertu d’une directive européenne, transcrite dans tous les pays de l’UE, et dans le droit français en 2016 à l’occasion de la "loi Sapin 2". Nous avions alerté à l’époque : les contrats d’assurance-vie peuvent être légalement bloqués.

L’assureur Eurovita a-t-il réalisé des placements hasardeux ? Pas le moins du monde. Ce sont les obligations d'État, essentiellement françaises et allemandes, qui font chavirer son bilan. C’est le problème des taux zéro et négatifs, dont nous sortons avec l’inflation et le resserrement monétaire des banques centrales, ici en l’occurrence de la Banque centrale européenne (BCE) : la valeur de ces obligations s’effondre. 

En effet, les prix des obligations évoluent de manière inverse aux rendements : le coupon est un montant fixe en euros, et en le rapportant à la valeur de l’obligation, on en déduit un taux d’intérêt, un rendement. Lorsque nous étions en période de taux zéro, ce coupon était très faible. Désormais, avec la remontée des taux d’intérêt initiée par la BCE, la valeur de ces obligations chute (jusqu’à ce que le coupon rapporté à cette valeur s’établisse au taux du marché, de l’ordre de 3% actuellement). 

Il n’y a pas moyen d’écarter cette dévalorisation. Les obligations comptables internationales obligent les assureurs (et les banques) à présenter leur bilan à la valeur du marché. Eurovita n’est que le premier domino à tomber, qui seront les suivants ?

En attendant, l’administrateur judiciaire doit trouver un ou plusieurs repreneurs afin de recapitaliser la société. Les banques qui distribuent les polices d'Eurovita ainsi que d'autres assureurs italiens pourraient être appelés à la rescousse de façon à préserver la confiance des épargnants dans le secteur de l’assurance-vie. C’est l’urgence aujourd’hui, sinon les souscripteurs italiens pourraient déclencher un "insurance run" (par référence au bank run) qui serait catastrophique pour le système financier, l’assurance-vie constituant le premier placement financier des ménages, et l’un des principaux acheteurs d’obligations souveraines, justement. Et ne parlons même pas des répercussions en Europe…

C’est tout l’édifice du financement de la dette publique dans la zone euro et la confiance des épargnants (accessoirement électeurs) qui est en jeu. Ça doit s’activer en coulisses en Italie, à Francfort (siège de la BCE) et dans les capitales européennes, pour éviter que d’autres assureurs ne se retrouvent la tête sous l’eau. Cependant, les taux zéro ou faibles ont duré tellement longtemps qu’il est difficilement envisageable qu’une crise de l’assurance-vie ne se déclenche pas. Méfiance…

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