On présente souvent le bitcoin comme de "l’or numérique" (limite à 21 millions, pas de planche à billets possible, pas d’autorité centrale qui gère l’émission), mais une question se pose ensuite immédiatement : concurrence ou complémentarité ? Nous penchons pour la seconde réponse, les deux actifs faisant face aux monnaies fiduciaires, inflationnistes et de facto soumises à des États incapables de revenir à l’équilibre budgétaire (ce qui implique la planche à billets pour les financer, et donc l’inflation). La rémission actuelle, avec le relèvement des taux d’intérêts par la Fed et la BCE, n'est que temporaire.

L’or bénéficie d’un historique multiséculaire, d’une confiance sans pareille, alors que les cryptomonnaies apportent l’innovation de la blockchain, et c’est sur ce point que les synergies peuvent se produire.

Il existe déjà deux "stablecoins" adossés à l’or, c’est-à-dire une cryptomonnaie dont le cours réplique celui de l’or, en l’occurrence une once d’or cotée en dollars. Les stablecoins les plus connus sont ceux adossés au dollar, à savoir l’USDT (d’une capitalisation de 83,7 milliards de dollars, la 3e crypto après le bitcoin et l’ether), l’USDC (26,7 milliards de dollars de capitalisation), le Dai (4,2 milliards), etc. Pour l’or, deux stablecoins dominent largement la concurrence : le Tether Gold (XAUT), émis par Tether, qui gère aussi l’USDT, et le Paxos Gold (PAXG). Ils pèsent le même poids, avec une capitalisation de 485 millions de dollars chacun, loin derrière les mastodontes adossés au dollar, mais sans être ridicules non plus (on trouve ensuite le Perth Mint Gold Token avec 2,3 millions de dollars de capitalisation, trop petit pour être fiable).

Ces deux stablecoins sont garantis par des réserves d’or physiques, dans un coffre-fort suisse contrôlé par l'entreprise pour le Tether gold (XAUT), et dans les coffres de la Brink's à Londres pour le Paxos Gold (PAXG). Maintenant, il faut être certain que la quantité d’or stockée correspond exactement au nombre de tokens émis… Les deux sociétés l’affirment, mais nous sommes contraints de les croire sur parole. Tether n’est pas très transparent sur son USDT et ses réserves en dollars, il y donc a une part de confiance évidente.

L’or physique est intrinsèquement plus sûr que des dollars : le métal jaune est très liquide, même et surtout en période de stress, et en tant qu’actif réel, il est protégé contre les faillites des banques. En outre, le fait que l’or soit stocké en dehors du système bancaire offre une sécurité supplémentaire. Dans l’absolu, un stablecoin sur l’or est bien plus solide qu’un stablecoin sur une monnaie fiat, à condition que ses réserves soient garanties.

L’intérêt d’un stablecoin sur l’or est évident : il peut participer à la remonétisation du métal précieux. En effet, rien n’est plus facile que de s’échanger des cryptomonnaies via un wallet téléchargé sur son smartphone. Dans un pays où l’inflation fait rage, où le système bancaire est défaillant, si l’on ne veut pas commercer en bitcoins parce que trop volatile, ni en dollar parce que l’inflation rogne sa valeur, un stablecoin-or apparaît comme une excellente alternative.

Une autre voie s’ouvre également : la tokenisation. Celle-ci consiste, pour une société qui possède un actif (immobilier, actions, objets d’art, ou or justement), à créer un certain nombre de tokens qui représentent cet actif, qui peuvent ensuite circuler sur la blockchain. Un actif peu liquide le devient ainsi facilement, un actif non divisible (un appartement, un lingot d’or) le devient instantanément, un actif stocké en dehors du marché se met à circuler dans l’économie. Les perspectives sont énormes. De grandes quantités d’or qui dorment dans les coffres pourraient ainsi se mettre à circuler, et ainsi également faciliter la remonétisation de l’or.

L’un des leaders de l’écosystème cryto, reconnu pour son sérieux, Chainlink (LINK, le principal "oracle", c. -à-d. qui transmet les données du monde réel à la blockchain), se lance dans la partie (Cointribune). Pour cette société, l’or tokenisé est une "solution de nouvelle génération pour la propriété de l’or" qui permet de créer des droits de propriété pour de l’or détenu dans un quelconque coffre-fort. Les avantages de l’or tokenisé sont, selon Chainlink, multiples : "grande accessibilité", "transparence accrue", "efficacité accrue et coûts réduits", "liquidité plus profonde" et "déblocage de l’innovation". Le rôle de Chainlink consiste à proposer des services pour "construire des plateformes Web3 sécurisées, efficaces, fiables, liquides et transparentes" permettant de tokeniser et de faire circuler de l’or ou d’autres actifs. Reste à faire auditer par un organisme indépendant les réserves d’or et le nombre de tokens en circulation, afin d’établir la transparence et la confiance.

Finalement, la démonétisation de l’or déclenchée le 15 août 1971 par la fameuse décision de Richard Nixon de suspendre la convertibilité de l’or et du dollar, enterrant ainsi les Accords de Bretton Woods, pourrait bientôt prendre fin en passant par le monde des cryptomonnaies… Un formidable motif d’espoir.

On parle ici de remonétisation, une dimension disparue de l’or. Mais la principale fonction de l'or physique, consistant à protéger un capital sur une longue durée, celle de l’épargne proprement dite, avec une détention sûre et en nom propre, n’a jamais disparu. Elle démontre, surtout en cette période d’inflation, sa nécessité et sa pertinence.

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