"On ne peut pas dissoudre la dette, et c’est bien dommage", a dû se dire Emmanuel Macron. "Alors dissolvons l’Assemblée nationale et refilons la patate chaude à ceux qui, dans l’opposition, piaffent d’accéder au pouvoir". Les formules ronronnantes du ministre de l’Économie Bruno Le Maire tournaient à vide, personne ne croyait plus à sa promesse de revenir sous les 3% du PIB de déficit budgétaire en 2027, et après la dégradation de Standard & Poor’s le 1er juin, les craintes montaient d’un niveau à l’international. "Mesdames et Messieurs les investisseurs du monde entier, vous commencez à faire la fine bouche devant les emprunts d’État de la France ? Je vais vous mettre le Nouveau Front Populaire ou le Rassemblement National dans les pattes, et on verra bien la tête que vous ferez !"

Cette dissolution est totalement irrationnelle, mais le Président de la République en a décidé ainsi, il faut donc faire avec. Une énorme période d’incertitude s’ouvre, et les marchés n’aiment pas cela (le CAC 40 a effacé tous ses gains depuis le début de l’année). Les épargnants non plus, car de nouveaux impôts sont annoncés dans les médias par les candidats. Les macronistes jurent ne pas vouloir augmenter les impôts, mais ils envisagent toutefois d’instaurer une taxe sur les rachats d'actions. Le Nouveau Front Populaire veut supprimer le PFU (Prélèvement forfaitaire unique, la flat tax), restaurer l’ISF, créer de nouvelles tranches d’impôts sur le revenu, et une exit tax pour ceux qui voudraient fuir cet enfer fiscal ! Le Rassemblement National, plus modéré, souhaite abolir l'IFI (Impôt sur la fortune immobilière) pour le remplacer par l'IFF (Impôt sur la fortune financière), ce qui risque de faire fuir à l'étranger cette fortune très mobile. Le RN maintiendrait le PFU jusqu'à un plafond d'un million d'euros et propose d'instaurer une taxe sur les surprofits, un concept flou et difficile à définir, qui créerait de l'insécurité pour les entreprises.

Les sondages indiquent que les chances pour les macronistes de remporter cette élection sont infimes ; il faut donc se préparer à des augmentations d’impôts. Une très mauvaise nouvelle étant donné que la France est déjà en tête des pays de l’OCDE en termes de taux de prélèvements obligatoires. C’est la création de richesse et la croissance qui vont le payer. Et le problème de la dette reviendra alors avec encore plus de force…

Que pourrait-il se passer ? Il convient de rappeler le 'scénario Liz Truss', l’éphémère Premier ministre britannique (du 6 septembre au 25 octobre 2022), qui a pris ses fonctions au 10 Downing Street avec un ambitieux programme de réductions d'impôts de 100 milliards de livres (en faveur des plus riches mais pas des classes moyennes), cependant non financé. Baisser les impôts, très bien, mais pas uniquement au profit des plus riches et sans compter sur la croissance future pour les financer, cela s’avère bien trop hasardeux. Il faut aussi tailler dans la dépense publique. Résultat : les marchés ont paniqué, les taux d'emprunt des obligations d'État ont grimpé à 3,7%, la menace de la banqueroute planait, et Liz Truss a dû démissionner, étant remplacée par Rishi Sunak.

Avec une dette souveraine détenue pour environ la moitié par des investisseurs non-résidents, la France est soumise à des contraintes comparables. Le retour de bâton serait immédiat en cas de politique économique fantaisiste. On déplore souvent, à raison, la volatilité et l’irrationalité des marchés, mais dans les semaines et les mois qui viennent, on peut parier qu’ils seront nettement plus sages et raisonnables que les politiques…

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