En matière de dette publique, la France joue avec le feu. Pas seulement à cause de son montant, qui ne cesse d’augmenter, mais aussi parce qu’elle fait un pari audacieux, en passe d’être perdu, sur l’inflation. En effet, il faut savoir que l’État emprunte à taux fixe, ce qui constitue une vraie sécurité : il connaît à l’avance tous les remboursements qu’il devra décaisser, le taux d’intérêt est fixé à l’origine, lors de l’émission, il ne bouge pas. Si les prix décollent, l’État est gagnant, il rembourse dans une monnaie dévaluée. C’est pour cette raison que l’on entend souvent dire qu’une bonne vague d’inflation permettrait de réduire considérablement le poids de la dette.

Sauf que l’État a décidé d’émettre une partie de sa dette – environ 10% – sous forme d’obligations indexées sur le taux d’inflation : les OATi et les OAT€i (OAT pour Obligations assimilables du Trésor). Les OATi sont indexées sur l’inflation en France, sur laquelle nous possédons une maîtrise réelle (par la politique économique, ou en tordant le bras de l’Insee pour rabaisser le taux officiel). Mais, de plus en plus souvent, la France émet des obligations indexées sur l’inflation de la zone euro (OAT€i) ! Dans ce cas, nous ne sommes plus maître de notre destin… Pour quelle raison ces obligations ont-elles été lancées ? Pour grapiller quelques dixièmes de pourcents d’intérêt, puisqu'elles sont vendues moins chères (à un taux d’intérêt plus bas) que les obligations classiques à taux fixe. L’acquéreur de ces emprunts se protège contre un dérapage futur des prix. Il "paye" donc pour se couvrir contre ce risque.

Lorsque l’inflation était faible, proche de zéro, ce type d’emprunt constituait déjà un risque, certes aux contours flous mais tout de même, comme je l’avais dénoncé en 2018. Mais maintenant que tout le monde peut constater le retour de l’inflation dans les pays de l’OCDE, cela devient du suicide ! Pour économiser trois fois rien lors de l’émission de sa dette, l’État s’expose à payer des taux d’intérêt prohibitifs si les prix dérapent durablement. Et c’est ce qui va se passer : l’inflation ne sera pas transitoire, elle est là pour durer. Nous l’avons récemment montré (en cause : planche à billets + le coût de la transition énergétique).

Le 25 janvier, l’Agence France Trésor (l’AFT, la direction du ministère de l’Économie qui gère la dette) a annoncé fièrement le lancement d’une OAT€i de 32 ans, jusqu’au 25 juillet 2053 exactement. La France sera donc exposée jusqu’à cette date au risque inflationniste au sein de la zone euro : la hausse des prix persistante va d’ores et déjà faire de cet emprunt un boulet, et si une vague d’hyperinflation survient, ces 10% de dette indexée la mettra en faillite. Comme l’écrit bêtement l’Agence France Trésor : "Chaque année, l'AFT s'engage à émettre autour de 10% du programme de financement de l'État sous forme d'obligations indexées. À travers cette syndication, la France réaffirme son statut d’émetteur de référence en zone euro pour les émissions de titres indexés à l’inflation de maturité très longue."

Ce comportement est criminel. Il dénote de l’état d’esprit de ceux qui nous gouvernent depuis 40 ans : "après nous le déluge" (Madame de Pompadour s’adressant à Louis XV après la bataille de Rossbach en 1757). En fait, peu de Français connaissent simplement l’existence de ces OATi et OAT€i : la dette en soi est déjà dangereuse, mais ces produits constituent une menace encore pire. Il faut réclamer leur interdiction.

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