1343. Quelques années seulement avant la diffusion de la Peste noire, la dominance financière de grandes cités come Florence est remise en question. Dans le même temps, la Guerre fait rage entre l’Angleterre et la France. Le contexte économique et international conduit au défaut de paiement du roi d’Angleterre en 1343. Les conséquences bancaires sont immédiates dans les grands centres financiers d’alors.

D’une part, Florence bénéficiait d’un grand dynamisme financier. Florence concentrait de nombreuses riches familles d’affaires, dont principalement les familles Peruzzi, les Bardi ou les Acciaiuoli. Ces banques disposaient d’un vaste réseau avec des employés pour assurer les affaires bancaires, de change et commerçantes (produits agricoles, textiles, etc.). Durant la décennie 1330, le roi d’Angleterre Édouard III cherche à préparer un conflit contre la France de Philippe VI pour régler son différent sur sa légitimité royale en France. Le financement d’Édouard III par Florence lui permet de bénéficier des premiers vrais canons dans son conflit contre la France.

Bien que la naissante Guerre de Cent Ans tourna d’abord en défaveur de la France, la Guerre s’éternise et les banques Florentines étaient contraintes à continuer leurs prêts afin de bénéficier de permis d’exportation. Mais en octobre 1343 Edouard III est contraint au défaut. Les Peruzzi, qui ont compté jusqu’à 16 comptoirs en Europe au milieu du XIVe siècle, font faillite.

À cela, il faut ajouter les aspects monétaires. Entre 1250 et 1350, les banquiers vénitiens ont spéculé sur l’argent métal, du fait de sa différence de prix entre territoires. L’Afrique était plus riche en or grâce à ses mines dans l’actuel Soudan et Mali, et l’argent y était plus recherché qu’en Europe. L’Europe disposait en effet de mines d’argent. Le commerce des Vénitiens était simple : échanger de l’argent (abondant en Europe) en Égypte contre de l’or sous toutes ses formes pour ensuite le ramener en Europe.

On estime que l’argent exporté par Venise vers l’Orient représentait 25 % de l’argent exploité dans les mines européennes entre 1325 et 1350. Rapidement, les pièces européennes étaient détournées alors que les banquiers vénitiens avaient le monopole sur le change entre l’or et l’argent. L’abondance d’argent en Europe s’est enracinée pendant de nombreuses années, ce qui permettait aux Vénitiens de spéculer sur une valeur de l’or en hausse. En 1275, 8 pièces d’argent correspondaient, à poids égal, à une pièce d’or. Ce ratio de 8 passe ainsi à 15 en 1325, ce qui traduisait la surabondance relative de l’argent.

Cette spéculation sur la rareté de l’or en Europe a duré jusqu’à ce qu’un riche dirigeant musulman, l’empereur du Mali, Kankou Moussa, diffusa une quantité d’or de près de 8 tonnes sur son chemin pour la Mecque. Cela a brutalement dévalorisé l’or et revalorisé l’argent, le ratio passant de 15 à 9 de 1325 à 1345, en plus des manipulations vénitiennes. Le ducat vénitien a ainsi bénéficié de cet avantage commercial de l’or.

 

 

La rareté de l’or a d’abord incité l’Europe à se convertir vers le métal jaune, car les pièces en argent se dévaluaient. C’est ainsi que Florence a vu dans un premier temps fondre sa fortune en argent de presque moitié quand le ratio est passé de 8 à 15… Cela a encouragé le passage à l’or, plus rare. Mais quand la valeur de l’or (en argent) a baissé de 40 % entre 1325 et 1345, cela a encore menacé la fortune de Florence (Florence était reconnue pour son florin d’or). La détérioration de la valeur de l’or (et la dégradation du commerce de laine) a conduit à un blocage financier. Les prêts réalisés par les grandes maisons bancaires (comme Peruzzi ou Bardi) étaient indexés à l’or. La confiance envers l’or qui s’était installée a brusquement été remise en question. Car à la détérioration de la valeur de la monnaie s’ajoute des défauts. En 1339, par exemple, le roi d’Angleterre Edouard III fait défaut définitivement sur 1,35 million de florins d’or qu’il avait massivement emprunté aux compagnies florentines. Le roi de Sicile fit de même sur 200 000 florins. Certaines grandes maisons bancaires ont alors fait faillite, comme Peruzzi en octobre 1343, ou les Bardi, 3 ans plus tard.

Florence a ainsi émis de la monnaie dévaluée à partir de 1340. Car, en effet, Florence avait une dette publique de moins en moins soutenable avec la dégradation de la valeur de l’or, ce qui a contraint Florence à consolider sa dette en 1345, quand celle de Venise touchait un plus bas au même moment. L’enchaînement des faillites bancaires au début des années 1340, puis l’arrivée de la peste à partir de 1347 ne feront qu’accélérer cet effondrement, provoquant une inflation de pénurie, mais aussi une inflation sur la main d’œuvre. La dégradation de la conjoncture économique conduit en particulier en 1378 à la révolte de Ciompi.

Source originale: Thomas Andrieu

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