Face à la hausse des prix qui commence à inquiéter sérieusement les marchés, la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) a annoncé le 15 décembre un resserrement de sa politique monétaire : ses rachats de dette publique, qui devaient initialement s’arrêter en juin 2022, seront stoppés dès le mois de mars. Dans le même mouvement, le taux directeur, maintenu à zéro depuis mars 2020, pourrait être relevé à trois reprises l’année prochaine. Dès le lendemain, la Banque centrale européenne (BCE) suit et annonce qu’elle mettra fin à ses rachats de dette souveraine (le Programme d'achats urgence pandémie, PEPP) au mois de mars également. La BCE s’affirme "indépendante", mais elle semble singulièrement inféodée à la Fed, à moins qu’il s’agisse d'une "coordination", nous vous laissons juger…

Ainsi, l’inflation revient mais les banques centrales réagissent. Affaire réglée ?

Le problème est qu’il y a déjà eu tellement d'impression monétaire et une telle explosion du bilan des banques centrales, que le mal est fait. De plus, les rachats de dette continueront, à un niveau moindre : lorsqu’une obligation viendra à échéance, la BCE utilisera l’argent reçu pour acquérir d’autres dettes, de façon à maintenir son bilan stable (ce sont uniquement les rachats nets qui sont stoppés). En effet, en diminuant son bilan, la BCE exercerait une trop forte pression sur le marché obligataire, au risque d’une crise.

 

"La BCE laisse ses taux inchangés. Les achats nets d'actifs dans le cadre du PEPP prendront fin en mars. La BCE va prolonger l'horizon de réinvestissement associé au PEPP au moins jusqu'à la fin de 2024. Elle augmentera le montant de son programme régulier d'achats d'actifs (APP) à 40 milliards € au 2ème trimestre, contre 30 milliards € au 1er trimestre. À partir d’octobre 2022, elle reprendra un rythme mensuel de 20 milliards, 'aussi longtemps que nécessaire' (durée indéterminée)"

 

 

Il semble que les banques centrales n’aient pas compris, ou admis, qu’elles étaient la cause principale de l’inflation (comme je l’ai expliqué), et qu’elles s’illusionnaient sur des causes réelles mais secondaires (rebond de la croissance après les confinements, pénuries diverses le temps que les usines redémarrent, engorgements des chaînes logistiques). Ces causes existent, bien sûr, mais la hausse des prix existe depuis le début des années 2000, lorsque la Fed et la BCE ont débuté leur laxisme monétaire, et cela s’est vu dans les prix des placements et des actifs réels (immobilier, actions, or, œuvres d’art, voitures de collection). Cette fois, les biens de consommation courante sont touchés (énergie, alimentation, biens durables), car la planche à billets a explosé tous les records précédents. Les banques centrales pensent que ces causes conjoncturelles liées au redémarrage de l’économie s’estomperont et que par conséquence, l’inflation reviendra sagement sous les 2%. Elles se trompent.

Enfin, une telle diminution des rachats de dette va provoquer une hausse des taux d’intérêt de moyen et long terme. Si la Fed et la BCE achètent moins, les investisseurs privés vont devoir compenser, et ce sera moyennant une rémunération plus élevée. Le budget fédéral américain peut-il le supporter ? Les pays déficitaires de la zone euro peuvent-ils éviter le défaut de paiement ? Depuis plusieurs années, le montant de la dette publique grimpe mais sa charge dans le budget (les intérêts à verser) diminue grâce à la baisse des taux. Nous sommes au plancher, et si les taux remontent, le retour de bâton sera violent. Sans parler du secteur bancaire et des entreprises zombies qui seraient touchées de plein fouet.

Nous émettons plutôt l’hypothèse que la Fed et la BCE n’ont réalisé qu’un effet d’annonce, afin de rassurer les marchés et de restaurer leur crédibilité, mais qu’elles n’hésiteront pas à changer d’agenda à la moindre difficulté ("le variant Omicron nous oblige à repousser l’échéance de mars"…). Il y a désormais trop de dette dans l’économie, partout et à un niveau trop élevé. La marge de manœuvre des banques centrales est considérablement resserrée…

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