Qu’en est-il d’Eurovita, la société d’assurance-vie italienne en faillite, la première dans la zone euro, dont nous avions parlé le 2 mars ? La remontée des taux d’intérêt a pris l’institution financière à contre-pied, comme beaucoup d’autres (SVB aux États-Unis, nous l’avions expliqué). Elle n’a plus été capable de faire face aux retraits de ses clients et le superviseur italien du secteur de l’assurance (l’IVASS) a bloqué les retraits jusqu’au 31 mars, en espérant trouver une solution d’ici là.

Des solutions, il n’y en a toujours pas. L’actionnaire anglais (Cinven) a certes injecté 100 millions d’euros en février, mais il en fallait encore 300, ce qu’il refuse de faire. L’IVASS a donc décidé de prolonger le blocage des comptes jusqu’au 30 juin, pour éviter les "retraits panique". 350 000 clients, pour un montant total de 15 milliards d’euros, se retrouvent donc coincés pour trois mois supplémentaires, au moins.

Les agences de notation se penchent sur le malade : le cas Eurovita "souligne les risques qu’une hausse rapide des taux d’intérêt peut faire peser sur les assureurs-vie les plus faibles" explique Fitch (Les Echos). Il n’y a pas d’effet-domino en tant que tel (Eurovita n’est pas un acteur systémique), mais une importante menace massive pour tous les assureurs : le relèvement des taux pourrait entraîner "une augmentation des rachats anticipés", les mettant en difficulté ou en faillite. De son côté, Moody’s juge "très faible" le risque d’une décollecte massive, mais "les assureurs français et italiens seraient les plus exposés, en raison de la relative facilité à sortir d’un contrat d’assurance-vie" dans ces pays. L’agence pointe ainsi les pays les plus en danger dans la zone euro…

Effectivement, les Italiens sortent de l’assurance-vie pour aller sur les "BTP", les Bons du Trésor italien, qui rapportent 3% par an net d’impôts, comme le livret A. Les faibles rendements de l’assurance-vie (sous les 2% en moyenne) pourraient pousser les Français à aller voir ailleurs. Et en France également, les contrats d’assurance-vie peuvent être bloqués depuis 2016 avec la loi Sapin 2. Elle n’a encore jamais été utilisée.

Un tel mouvement est donc susceptible de s’enclencher en France, soit pour aller vers des placements plus rémunérateurs, soit pour faire face à l’inflation et à la perte de pouvoir d’achat qui en résulte. L’inflation alimentaire, qui s’accentue et se prolonge, va obliger des ménages à taper dans leurs bas de laine. Selon un sondage Ifop, 42% des Français gagnant le SMIC ou moins ont supprimé un repas par jour. A-t-on vu pareil effondrement depuis l’Occupation ? Pour les revenus supérieurs, la classe moyenne, qui constitue les gros bataillons des épargnants, l’arbitrage entre l’épargne et l’alimentation va se poser. La fin du bouclier énergétique le 30 juin pourrait aussi déclencher un tel mouvement (mais le gouvernement a la possibilité de la prolonger jusqu’au 31 décembre).

Il faut guetter l’inflation (qui déprécie l’assurance-vie), la remontée des taux d’intérêt (qui crée de nouvelles opportunités de placement) et le pouvoir d’achat (qui oblige à des arbitrages), afin de surveiller – comme le lait sur le feu – le secteur de l’assurance-vie en France. Nous ne sommes plus forcément très loin des premières tempêtes.

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