Le 4 octobre 2018 sortait mon livre "Pouvoir d’achat : le grand mensonge" dans lequel je dénonçais la sous-estimation de l’inflation par l’INSEE afin de faire croire à une augmentation du pouvoir d’achat, alors qu’en réalité il régressait. La sortie du livre a coïncidé avec le début du mouvement des "Gilets jaunes", dont il permet d’en comprendre le ressort, celui d’une précarisation de gens qui, pourtant, travaillent et ne comptent pas leurs efforts. Emmanuel Todd a salué mon analyse dans "La Lutte des classes en France au XXIe siècle" (2020). Nos ouvrages respectifs n’ont pas plu à l’INSEE, mais c’est une autre histoire.

Mon livre est paru en 2018, mais il s’appuyait sur des données couvrant la période 1965-2015. Dix ans se sont écoulés depuis, ce qui m’a donné l’idée de l’actualiser pour détecter les changements notables.

Je rappelle ma méthode d’évaluation, pour ne pas dépendre des statistiques de l’INSEE : prendre le prix du bien à l’époque, puis le diviser par le SMIC mensuel net de la même année, autrement dit, combien coûtait au smicard de l’époque l’achat d’un aspirateur, d’une douzaine d’œufs, etc. entre 1965 et 2015. C’est la méthode employée par Jean Fourastié pour reconstituer les prix sur la longue durée (p. 39-44). Il n’a pas toujours été possible de reconstituer des séries de prix complètes, mais les résultats obtenus se sont avérés assez flagrants.

En 2025, le SMIC net mensuel s’établit à 1426,30 euros. J’ai pu retrouver un certain nombre de prix sur le site de La Redoute (les catalogues depuis 1965 m’avaient servi de source) pour des produits comme l’aspirateur le moins cher, la machine à laver ou le réfrigérateur. Aucun changement notable à signaler (cependant, les sources ne sont plus exactement les mêmes, car La Redoute n’édite plus de catalogue et acceuille désormais d’autres vendeurs sur son site). Pour l’alimentaire, on constate une hausse du prix de la douzaine d’œufs et du saumon, mais mon échantillon était trop restreint pour bien suivre ce poste. Je n’avais pas pu récupérer les prix de l’électricité, ce qui aurait pourtant été intéressant… Le gazole et la voiture la plus abordable (Clio d’entrée de gamme) restent chers. En somme, il n’y a eu aucun gain de pouvoir d’achat pour les smicards au cours des dix dernières années. Pour le salaire médian cela signifie certainement une perte, car le SMIC augmente de façon forcée par la loi, écrasant ainsi l’échelle des salaires, à tel point qu’aujourd’hui, 17,6% des salariés perçoivent le salaire minimum, contre seulement 3% en 1967 !

Pour le logement, face à la difficulté de trouver des prix d’époques, je m’étais appuyé sur l’indice des prix des logements anciens, mais cette série n’est plus suivie de la même manière. Toutefois, je suis récemment tombé sur un post d’Idriss Aberkane qui donne des prix réels à Paris en 1975 :

 

 

Le SMIC net mensuel de 1975 était de 1 150 francs, soit 13 800 francs par an. Un studio dans le XXe arrondissement de Paris correspondait donc à 6,5 années de SMIC. Aujourd’hui, un studio premier prix dans le même arrondissement vaut 220 000 € (selon PAP), soit 12,8 années de SMIC. Cela représente un doublement du prix sur cette période, ce qui explique l’expulsion des classes populaires françaises de la capitale.

Cependant, la découverte la plus marquante, de loin, est le cours du Napoléon, qui, à 530 euros (le 17 mars), représente 37% du SMIC net mensuel (530/1426), soit le pourcentage le plus élevé depuis le début de la série en 1965. Même le record de 1980 est battu. Une sacrée progression en l’espace de dix ans !

 

 

Pas évident d’investir beaucoup dans les pièces d'or Napoléon quand on est smicard, mais pensez-y : l'or est un excellent moyen d’augmenter son pouvoir d’achat sur le long terme !

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