Un nouveau risque apparaît sur les marchés, il est nécessaire de bien y prendre garde : l’illiquidité. Cette menace peut sembler paradoxale au moment où l’on constate un déluge de liquidité provoqué par les banques centrales avec leurs plans de Quantitative Easing, mais en fait l’un et l’autre se renforcent. Comment ? L’explication est simple : la liquidité déversée par les banques centrales provoque un écrasement des taux d’intérêt sur les dettes souveraines, les obligations du Japon et de plusieurs pays européens ne rapportent plus rien, elles affichent même parfois des taux négatifs. En conséquence, les investisseurs à la recherche de rendement sont contraints de se replier sur des  actifs offrant une meilleure rentabilité mais plus risqués, et moins liquides.

Ces actifs sont le high yield (obligations d’entreprises à haut rendement), le private equity (l’entrée au capital d’entreprises non cotées), les fonds de dette privée (financement de dettes d’entreprises), le financement d’infrastructures (de la dette crée spécifiquement pour ces équipements), l’immobilier. Ces placements offrent une rentabilité supérieure aux obligations souveraines, ils comportent plus de risques, ce qui est encore normal, mais surtout ils s’avèrent peu liquides. Il est difficile de sortir rapidement du capital d’une entreprise non cotée, de revendre en urgence de la dette privée ou des programmes immobiliers. En cas de crise, l’investisseur se retrouve bloqué.

Un autre élément renforce cette illiquidité des marchés : la réglementation prudentielle a rendu plus coûteuse et plus difficile l’activité de teneur de marché (market maker). Il s’agit pour une banque d’assurer la liquidité de plusieurs valeurs cotées, en en détenant elle-même de façon à répondre à la demande en toutes circonstances. Longtemps rentable, cette activité était aussi mal vue (la banque bénéficie d’une asymétrie d’information et peut en tirer profit en faisant du trading pour compte propre). Désormais, avec le renforcement des obligations de fonds propres, l’activité s’avère moins intéressante et elle décline.

Ce phénomène d’illiquidité croissante renforce dangereusement la distorsion entre l’actif et le passif : la banque ou l’assureur garantit toujours la même liquidité à ses clients, qui peuvent retirer leur argent quand ils le souhaitent, par contre cet argent est placé dans des actifs de moins en moins liquides… Une situation très inconfortable. Plusieurs analystes pointent le danger de cette illiquidité croissante, comme Nouriel Roubini qui y voit une "bombe à retardement", ou le service des études de la banque Natixis qui craint une "crise de liquidité" pour ces investisseurs.

Nous assistons à un gigantesque effet pervers, typique d’une politique interventionniste qui obtient le contraire de ce qu’elle recherche : un accroissement de la liquidité dans l’économie conduit les investisseurs à s’enferrer dans des actifs illiquides… On met de l’huile dans le système, mais le risque de cassure augmente. Voici ce qui explique l’accroissement de la volatilité sur les marchés ces derniers mois. La nervosité augmente, le risque de krach également.

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