Alléger la dette publique par une dose d’inflation est une idée largement partagée et défendue, elle semble même évidente. Mais qu’en est-il réellement ? Une note du site Fipeco fait le point sur l’aspect fallacieux de cette croyance.

Déjà, beaucoup de gens l’ignorent, mais une partie de la dette de l’État (11%) est indexée sur l’inflation (les OATi, cf. mon article de 2018). L’inflation de la zone euro, même pas celle de la France. Dans le cas où celle-ci augmenterait, les charges d’intérêt sur ces obligations grimperaient en flèche, annulant d’autant les gains attendus sur le reste de la dette.

Ensuite, il faut comprendre qu’une augmentation de l’inflation va évidemment pousser les investisseurs à demander des taux d’intérêt plus élevés, sinon ils n’achèteront plus d’obligations. Selon le scénario retenu par Fipeco, tout à fait crédible, avec une inflation de 5,0% à partir de l’année 1, le taux d’intérêt passe progressivement de 1,0% l’année 1 à 5,0% l’année 10. Dans ces conditions, la dette commence par diminuer quelque peu (de 120 à 103% du PIB) pour remonter ensuite progressivement. On le voit, le gain s’avère en réalité très limité.

En effet, la première condition pour profiter d’un retour de l’inflation consiste à stopper tout déficit afin de ne plus avoir besoin d’emprunter, et même de générer un excédent pour rembourser les emprunts passés arrivant à échéance. De cette façon, la dette passée voit son poids réduit, effectivement. Mais une telle situation relève de l’illusion, alors que les déficits sont devenus la morphine de la plupart des pays sur la planète ! Au contraire, cette hausse du taux d’inflation, qui amène une légère diminution de la dette publique, va plutôt inciter les gouvernements à encore amplifier leurs déficits.

Par contre, les coûts d’une inflation élevée sont nombreux. Pour les banques centrales, la maîtrise durable de l’inflation fait partie du cœur de leur crédibilité, sa remontée la leur ferait perdre, et elle serait très difficile à reconstruire. Il n’est pas simple de faire redémarrer l’inflation mais, une fois qu’elle est partie, elle peut accélérer et devenir très difficile à maîtriser. Sans même envisager une hyperinflation, avec un taux de seulement 10%, il s’avère difficile de revenir à une inflation de l’ordre de 3%. Rappelons qu’il a fallu plusieurs années à la France dans les années 1980 pour y parvenir.

La zone euro serait soumise à de fortes tensions, les pays fortement endettés voudront amener la Banques centrale européenne (BCE) à relever sa cible d’inflation et choisiront en conséquence les gouverneurs de leur banque centrale nationale, qui siègent au conseil des gouverneurs de la BCE, tandis que les autres pays s’y opposeront, notamment l’Allemagne et les pays dits "frugaux". Il pourrait en résulter de très fortes tensions au sein de la zone euro.

L’activité économique serait durement touchée. Une inflation significative a pour effet de la ralentir. En effet, elle rend l’avenir plus incertain pour les agents économique et cette incertitude dissuade d’investir. Au niveau du pays, une inflation forte se traduit par une baisse de la compétitivité des entreprises par rapport à leurs concurrentes étrangères, sur le marché domestique comme à l’exportation. Les entreprises perdent des parts de marché, ce qui se traduit par une diminution de la production nationale, et le chômage qui va avec. Ces pertes de compétitivité peuvent en théorie être compensées par une dépréciation de la monnaie nationale, mais celle-ci met plusieurs trimestres pour se concrétiser pour les entreprises exportatrices, alors que l’effet sur les prix importés est immédiat, ce qui entame le pouvoir d’achat des ménages et renforce l’inflation, effaçant par là une partie des gains de compétitivité que la dévaluation permettait au début. Enfin, l’inflation aggrave les inégalités entre les ménages aisés disposant d’un patrimoine (immobilier notamment), qui va préserver leur pouvoir d’achat, et ceux dont les revenus passent intégralement dans les dépenses de nourriture, d’énergie, de loyers, dont les prix augmentent.

En réalité, une inflation forte ne constitue qu’une modalité de gestion de la dette par l’État, qui allège temporairement son poids mais en fait payer le prix par les ménages et les entreprises. C’est juste reculer la faillite de quelques années. Mais que ne feraient pas les gouvernements pour franchir la prochaine échéance électorale...

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