L’or s’impose comme le baromètre de l’actualité et à ce titre, il envoie un signal très fort. À l’heure où l’économie mondiale vacille sous l’effet de l’instabilité financière, des guerres commerciales et des conflits géopolitiques, le métal jaune enchaîne les records. Cette tendance n’est pas anodine : dans un monde en pleine recomposition, la souveraineté monétaire redevient un enjeu primordial, et l’or apparaît comme le pilier de cette transformation.

Une demande en forte accélération

Les prix de l’or atteignent sans cesse de nouveaux sommets. D’une part, les banques centrales continuent d’accroître leurs réserves à un rythme soutenu. D’autre part, l’incertitude politique et économique aux États-Unis alimente davantage cette demande. L’intérêt actuel pour l’or est renforcé par les récentes annonces de Donald Trump. Le président américain impose d’ores et déjà des tarifs douaniers élevés sur le Mexique et le Canada, et pourrait prochainement élargir ces mesures à la Chine (de 60%) et à l’Europe (d’environ 10%). Ces annonces rappellent, par la force, à chaque État la nécessité d’être indépendant financièrement et de ne compter sur aucun allié. Alors que les États-Unis exploitent l’hégémonie du dollar et l’extraterritorialité de leur droit, l’imposition de ces tarifs douaniers renforce la nécessité de détenir des actifs indépendants et déconnectés du système américain. En tant que valeur ni contrôlée ni détenue par aucune autorité, l’or joue alors pleinement ce rôle. Il en va de même pour les investisseurs particuliers, dans un contexte où la confiance envers les gouvernements est au plus bas et où l’instabilité politique se généralise. Les achats d’or s’accélèrent non seulement dans les pays autoritaires et dictatoriaux, mais aussi dans les démocraties développées…

Depuis quelques semaines et surtout quelques jours, le marché américain s’emballe donc. Les transactions sur l’or atteignent des niveaux records, tandis que les valeurs technologiques s’effondrent, notamment après les liquidations historiques sur Nvidia. Face à cette forte volatilité, même le premier indice américain S&P 500 connaît des changements brutaux et enregistre environ 1 000 milliards $ de gains ou de pertes par jour. Par ailleurs, les stocks d’or explosent à New York, atteignant plus de 82 milliards $, tandis que Londres fait face à une pénurie. Un déséquilibre qui témoigne des fortes tensions sur le marché physique de l’or, mais surtout de l’exubérance qu’incarne en cette période le marché américain.

Des points de rupture qui favorisent la montée de l’or

L’or atteint aussi ces niveaux records pour des raisons purement financières. La croissance américaine a ralenti à 2,3% au quatrième trimestre, bien en deçà des attentes. Plus largement, l’endettement massif des États-Unis, la nouvelle hausse de l’inflation aux États-Unis et en Europe, ainsi que les doutes croissants sur la capacité des banques centrales à maîtriser cette inflation persistante, renforcent l’attrait de l’or comme valeur refuge. Parallèlement, les risques d’augmentation d’impôts sur le capital dans de nombreux pays (eux-mêmes confrontés à une situation budgétaire souvent inextricable) servent de tremplin pour le métal jaune - qui échappe à tout contrôle étatique. Alors même que les difficultés financières se multiplient partout à travers le monde (endettement public et privé historique, taux d’intérêt élevés, déficits croissants, forte inflation…), l’or est plus que jamais perçu comme une réserve de valeur financière à long terme… Comme le rappelle la célèbre citation de J.P. Morgan au début du XXe siècle : “L'or est la monnaie. Tout le reste est du crédit”. Or, ce principe s’applique plus que jamais aujourd’hui. L’attrait de l’or repose sur sa nature physique qui lui permet de survivre aux crises monétaires et financières. De fait, il poursuivra son ascension tant que de la monnaie sera continuellement créée comme aujourd’hui et que la valeur des monnaies fiat continuera de se déprécier. Un système financier basé sur la dette ne fait que renforcer les actifs qui servent de réserves de valeur, et l’or apparaît encore comme l’actif le plus prisé

L’histoire a également toujours démontré que le métal jaune prospère en période de crises géopolitiques. Les conflits mondiaux en Ukraine, au Moyen-Orient et les attaques répétées (en Syrie, désormais en Somalie…) maintiennent une demande élevée, car ils fragilisent davantage l’ordre économique mondial. Dans ce climat incertain, les investisseurs recherchent des actifs qui échappent aux aléas des tensions géopolitiques et des politiques monétaires. Alors que par le passé, cet engouement concernait surtout les investisseurs particuliers, ce sont désormais les institutions qui investissent massivement. Cette dynamique est particulièrement marquée en Chine, en Russie, en Inde et en Turquie, où les banques centrales accumulent de l’or à un rythme inédit. Par ailleurs, avec le retour d’une confrontation directe entre les États-Unis et l’Europe en termes de realpolitik, il est probable que les pays européens rejoindront progressivement le camp des acheteurs d’or, malgré leurs stocks déjà élevés (notamment en Allemagne, en France et en Italie).

Un autre facteur, plus inattendu, joue également en faveur du métal précieux : l’essor de l’IA. L’or s’alimente des effets d’annonce qui montrent que nous sommes dans une période de rupture. Elles peuvent être d’ordre politique comme géopolitique, mais aussi d’ordre économique lors de nouvelles innovations. Or, après OpenAI, l’engouement autour de la start-up chinoise DeepSeek (dont le budget reste dérisoire et les prix extrêmement faibles), ont provoqué une onde de choc sur les marchés. En particulier, la baisse des géants technologiques a conduit les investisseurs à chercher un refuge plus stable, consolidant ainsi la progression du prix de l’or.

Un affaiblissement inévitable du dollar

Si l’or ne perd plus de son attrait lorsque le dollar augmente, un dollar faible reste un signe à la hausse pour le métal jaune. Ainsi, malgré la hausse récente du dollar portée par la politique agressive de Trump, plusieurs facteurs annoncent une baisse du billet vert dans les années à venir, voir d’ici la seconde partie de l’année 2025. Premièrement, la réorientation des achats des banques centrales, deuxièmement, la vente coordonnée d’obligations américaines, et enfin, la perspective d’une réduction des taux d’intérêts par la Fed contribuent déjà à affaiblir la devise américaine. À plus long-terme, le dollar évolue selon une cyclicité qui annonce un tournant baissier. Les équilibres mondiaux se redéfinissent et dans ce nouveau contexte, la baisse du billet vert devient inévitable.

Cette transformation redonne un avantage aux actifs tangibles et aux économies moins dépendantes du système financier américain. Dans ce contexte, l’or va jouer un rôle central, au même titre que les matières premières, les entreprises liées aux ressources critiques, et les marchés actions situés en dehors des États-Unis (notamment dans les pays émergents). La fin de la mondialisation telle que nous l’avons connue impose un retour à la rareté qui n’a qu’une seule traduction financière : les actifs liés à des valeurs rares vont être attractifs tandis que ceux produits en abondance sont amenés à perdre de leur attrait.

Une tendance qui va se prolonger

Ainsi tous les signaux semblent indiquer que l’or continuera son envolée. Il est même probable que le seuil des 3 000 $ sera atteint avant la fin de l’année 2025. Même s’il ne faut pas négliger la volatilité inhérente au marché, l’histoire longue montre que la période actuelle est extrêmement favorable à l’or. Le cadre hérité du XXe siècle, fondé sur l’hégémonie incontestée du dollar, s’effrite progressivement et ouvre la voie à une période nouvelle où l’or pourrait retrouver une place centrale. À travers l’accumulation de métal jaune par les nouvelles puissances, à savoir la Chine, la Russie, l’Inde et le Brésil… c’est un basculement du système financier mondial qui se dessine. L’histoire l’a prouvé : en période de transition, l’or ne disparaît jamais, il reprend sa place.

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