Lundi 15 février, la bourse de Tokyo connaît une fulgurante progression de 7,16% après une semaine catastrophique (-11,1%), le contraste est saisissant. Comment expliquer une telle performance, au-delà d’un rebond technique, au-delà de la chasse aux bonnes affaires ? Les perspectives de l’économie s’éclairent-elles soudainement ? Un indice industriel particulièrement exceptionnel est-il sorti ? Un vaste programme de baisse des taxes et des impôts incite-t-il à l’optimisme ? Pas du tout, aucune bonne nouvelle n’est tombée ce jour ou la veille. Au contraire, une mauvaise nouvelle de poids a fait la une : contrairement aux attentes, le PIB japonais au 4e trimestre 2015 a reculé de 0,4%, enchaînant ainsi le 5e trimestre consécutif de baisse. Le japon ne sort pas de la récession. Et alors ? Eh bien c’est tellement grave que la banque centrale ne pourra pas rester sans réagir, ont estimé les intervenants, qui anticipent en conséquence une augmentation de "l’assouplissement quantitatif", un QE renforcé, c'est-à-dire encore plus de liquidités pour les banques, qui l’investiront sur les marchés, ce qui fera monter les cours, et donc ne manquons pas cette prochaine hausse ! CQFD
Cet exemple s’avère certes caricatural mais il n’a rien d’exceptionnel, de tels mouvements contre-intuitifs se retrouvent régulièrement sur les grands marchés boursiers de la planète. On peut même dire que ce sont eux qui impriment la tendance depuis 2009 : les QE 1, 2 et 3 de la Fed collent étroitement aux progressions du Dow Jones, les moments de doute se situant aux périodes de transition de l’un à l’autre, et actuellement le marché attend le QE4 ! Les chiffres de l’économie réelle peuvent bien être mauvais et faire baisser bourses mondiales, comme on le voit depuis le début du mois de janvier, les banques centrales parviennent – pour l’instant –à inverser le cours des choses en mettant en place de nouveaux QE, en baissant leurs taux, ou même simplement en promettant de le faire.
Ainsi Mario Draghi a-t-il déclaré, ce même 15 février, que la Banque centrale européenne "n'hésitera pas" à agir lors de la prochaine réunion de son conseil des gouverneurs, le 10 mars. Depuis, comme par magie, la glissade des marchés européens semble s’être nettement freinée. Il a même précisé que la BCE étudierait deux éléments : "les conséquences de la chute des prix du pétrole et des matières premières sur l'inflation" et, d’autre part, "l'impact des récentes turbulences financières, associées à une vague d'inquiétudes pour la solidité du secteur bancaire européen, sur l'efficacité de sa politique monétaire", et que "si l'un de ces deux facteurs se traduit par une augmentation des risques pour la stabilité des prix, nous n'hésiterons pas à agir." Autrement dit, tout sera fait pour lutter contre la déflation, et les banques en difficultés seront renflouées sans hésitation, conclusion : augmentez vos mises au casino, la BCE vous suit ! Voici le mécanisme irresponsable et délétère qui gouverne les marchés actions depuis la crise de 2008.
Mais la réalité économique finira par s’imposer : faiblesse de la croissance sur toute la planète, augmentation de l’endettement depuis 2008, l’effet ciseau arrive. Et lorsque la croyance dans la parole et l’action des banques centrales commencera à s’effriter, le krach – le vrai – menacera, et il n’y aura plus personne pour le stopper.
(Pour information, Philippe Herlin lance sa Lettre mensuelle dont le premier numéro porte sur la directive BRRD de ponction des comptes bancaires)
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