La crise énergétique bouleverse toute notre économie : comment va-t-elle impacter l’immobilier, principal élément du patrimoine des ménages, placement le plus souvent privilégié ? Tentons d’y voir clair.
Commençons par regarder la situation globalement, dans l’OCDE, avant de se pencher sur le cas de la France. "Dans le passé, les prix de l’immobilier résidentiel se retournaient à la baisse au tout début d’un retournement cyclique, en raison de la hausse des taux d’intérêt" explique cette note de Natixis. Ce n’est pas ce que l’on observe en ce moment, les prix de l’immobilier continuant de progresser aux États-Unis et dans la zone euro.
La raison principale est que les taux d’intérêt réels (taux d’intérêt des crédits immobiliers – inflation) restent fortement négatifs, ce qui incite les ménages à continuer à s’endetter et soutient la valorisation de l’immobilier résidentiel. Si l’on emprunte à un taux d’intérêt inférieur à l’inflation, le poids des remboursements diminue avec le temps (dans la mesure où son salaire suit la hausse des prix). "Le retournement à la baisse des prix de l’immobilier résidentiel aura lieu, mais quand les taux d’intérêt sur les crédits immobiliers dépasseront l’inflation" conclue la note.
Ce moment sera déterminant, en effet. Il faut cependant prendre en compte d’autres éléments. Nous avons dit qu’emprunter à taux réel négatif était intéressant, mais seulement dans la mesure où son salaire suit l’inflation. Avec la récession qui pointe le bout de son nez aux États-Unis, mais surtout en Europe, où la crise énergétique frappe de plein fouet, cela risque de ne pas être le cas : les revenus vont décrocher, le chômage va augmenter, et la demande de crédit immobilier s’en ressentira.
Il n’est d’ailleurs même pas certain que les taux d’intérêt des banques centrales dépasseront un jour l’inflation : soit parce qu’elles auront renoncé face à l’ampleur de la récession et du risque de crise financière ou bancaire que cela implique, soit parce que les forces qui poussent à la hausse les prix resteront trop fortes (cours des matières premières et de l’énergie, coût de la transition énergétique). C’est d'ailleurs notre scénario privilégié, les deux à la fois : risque de crise financière, puis inflation élevée et durable. Ensuite, on peut penser que l’avantage comptable d’emprunter lorsque les taux d’intérêt réels sont négatifs s’effacera devant la dégradation générale de l’économie. Les prix de l’immobilier commenceront alors à flancher.
Mais peut-être pas en France ! Tel le village Gaulois qui résiste, l’immobilier, on s’en souvient, n’a pas réellement décroché après la crise de 2008, contrairement à la plupart des autres pays. Pourquoi ? Pour de mauvaises raisons, à commencer par un droit foncier très restrictif qui entrave la construction, par une fiscalité élevée qui dissuade de nombreux épargnants de se lancer, et par un droit de la propriété mal respecté (les squatteurs ont presque tous les droits). Il en résulte une pénurie sciemment organisée, qui maintient de ce fait les prix élevés. En France, l’immobilier est un produit de luxe, une rente pour les propriétaires, un idéal difficilement accessible pour les acquéreurs, au prix d’une saignée de leurs revenus et d’une surface réduite. Le marché de l’immobilier en France limitera peut-être la casse, du moins dans les métropoles et les villes dynamiques. Tout dépendra de l’ampleur de la récession, qui pourrait cependant finir par tout emporter sur son passage.
Quant à envisager une poursuite de la hausse des prix en France, en Europe ou aux États-Unis, cela semble exclu. L’immobilier ne sera plus pour longtemps un placement intéressant…
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