La Banque centrale européenne (BCE) vient de remonter son taux de dépôt à 4%, ce qui constitue un record depuis sa création, et elle a stoppé ses rachats de dette souveraine (la "planche à billets"), l’objectif affirmé étant de terrasser l’inflation. Très bien, il était temps, les taux zéro et l’expansion incontrôlée de son bilan expliquent largement le dérapage des prix que nous connaissons actuellement. Malheureusement, cela n’aura sans doute que peu d’effet, car le prix du pétrole grimpe lentement mais sûrement.
Cette hausse du cours du pétrole n’est pas liée à des éléments conjoncturels, elle est planifiée par l’Arabie saoudite et la Russie, deuxième et troisième producteurs mondiaux (le premier étant les États-Unis). Après une première annonce en juillet, ces deux pays ont confirmé début septembre la prolongation de leur réduction de production jusqu'à la fin de l'année, et ils sont suivis dans cette politique par les autres membres de l’OPEP. Résultat, le 5 septembre, le baril de Brent franchissait la barre symbolique des 90 dollars pour la première fois depuis mi-novembre 2022, alors qu’à l’époque la crise énergétique faisait rage. Cela représente une hausse de 30% depuis le mois de juin. Les 100 dollars sont en ligne de mire…
Les efforts de la BCE apparaissent largement vains : en France, l’inflation repart à la hausse à cause d’un "net rebond des prix de l’énergie sur un an" explique l’INSEE dans la publication de son indice des prix du mois d’août (+1,0% sur le mois, +4,9% sur un an après +4,3 % en juillet). La prévision affichée par la BCE d’une inflation qui reviendrait à 2,1% en 2025 est basée sur un baril de pétrole à 78 dollars. Une prévision bien trop optimiste pour le service de la recherche de Natixis, qui anticipe plutôt 3,6% (et qui ne tient pourtant pas compte de l’effet d’entrainement du pétrole sur les autres énergie, voir ci-après).
Notre marge de manœuvre s’avère extrêmement réduite, et les nuages s’amoncellent : la hausse du prix du pétrole va s’accompagner de celle du gaz, du fait qu’ils sont fortement corrélés (et plus encore si l’hiver en Europe est rigoureux), puis de l’électricité car le marché européen indexe son prix sur celui de la dernière centrale au gaz mise en service. La "transition énergétique" renchérit aussi structurellement le coût des énergies (fossiles surtaxés, éoliennes subventionnées). On connaît la suite : une énergie plus chère se diffuse dans toute l’économie et entraîne inévitablement une hausse généralisée des prix, avec notamment le carburant, le chauffage, l’alimentation (très énergivore avec les engrais, le transport, la chaîne du froid), ce qui détériore le pouvoir d’achat des ménages avec un risque de récession à la clé. C’est alors la stagflation (stagnation + inflation) qui menace.
Voilà la situation et les mois qui viennent seront cruciaux : l'Arabie saoudite et la Russie persisteront-ils dans leur volonté de contraindre l’offre de pétrole ? L’exécutif américain, qui rentre en année électorale, dispose-t-il de moyens de pression pour contrecarrer cette politique ? L’hiver européen sera-t-il rigoureux, ce qui provoquerait, en plus, des tensions sur le prix du gaz ? La BCE fait des efforts mais ils arrivent trop tard, désormais l’inflation est surtout dirigée par l’énergie, un domaine dans lequel l’Europe n’a que très peu de cartes à jouer…
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