On a tellement l’habitude de voir les crises financières naître aux États-Unis pour se transmettre ensuite au reste du monde que l’on ne peut pas imaginer d’autres enchaînements. Mais il s’agit d’une habitude mentale dont il faut se défaire. Il est vrai que l’histoire donne raison à cette assertion : de la Crise de 1929 à celle des subprimes, en passant par la Bulle Internet de l’an 2000, la première économie mondiale fut à l’origine des grandes crises financières planétaires. Figurer à la pointe de l’innovation financière apporte des avantages, mais aussi parfois des déconvenues.
Cependant, que voyons-nous aujourd’hui ? Les banques centrales se sont placées au cœur du système financier avec leurs moyens gigantesques et leurs politiques interventionnistes, nous le savons, mais on constate une divergence criante entre la BCE et la Fed : la Banque centrale européenne est en roue libre avec sa planche à billets, tandis que la Banque centrale américaine a stoppé la sienne et tente de réduire son bilan. Désormais l’écart est considérable puisque, comme l’indique un journaliste du quotidien allemand Welt dans un tweet, le bilan de la BCE atteint désormais près du double de celui de la Fed, en pourcentage du PIB !
#ECB should fix date to end bond purchases, Buba's Weidmann says, as ECB balance sheet almost twice the size of the Fed in relation to GDP. https://t.co/EYDzMBCjHo pic.twitter.com/6Pndwt19qB
— Holger Zschaepitz (@Schuldensuehner) 8 janvier 2018
Le bilan de la BCE représente 41,4% du PIB de la zone euro, contre 22,7% pour la Fed par rapport au PIB américain. Comme, paraît-il, au centre de notre galaxie trône un gigantesque trou noir, l’économie européenne tourne autour d’un "trou noir" qui absorbe des quantités croissantes d’obligations et qui grossit de plus en plus…
Ce déluge de liquidités aplatit complètement la courbe des taux, l’épargne ne rapporte plus rien, les "entreprises-zombies" (en situation de faillite) perdurent en empruntant sur les marchés, et les banques peuvent cacher la misère des prêts pourris (plus de 1.000 milliards d’euros dans la zone euro). Les banques européennes présentent d’ailleurs un niveau de risque nettement plus élevé que les banques américaines, comme nous l’avions montré pour les banques françaises. Alors oui, la prochaine crise financière peut tout à fait apparaître en Europe, et plutôt dans le secteur bancaire que sur les marchés boursiers.
Attention, nous ne disons pas que tout va bien aux États-Unis. Les produits dérivés y atteignent (comme en Europe) des montants démesurés, le secteur bancaire peut receler des risques cachés, le déficit budgétaire se maintient à un niveau élevé, les marchés actions sont très hauts. Mais la croissance semble plus vigoureuse, le programme de baisse des impôts que Donald Trump est parvenu à faire passer incite à l’optimisme (on aimerait la même chose en Europe !). Il semble que l’économie américaine pourrait encaisser une sévère correction du Dow Jones, alors qu’une nouvelle crise des dettes souveraines ou une crise bancaire mettrait à mal la stabilité de l’Union européenne.
Les fragilités sont du côté de l’Europe, incontestablement, c’est de ce côté qu’il faut porter le regard, sur les risques de dérapage des prix, de remontée soudaine des taux d’intérêt, de bilans bancaires démesurés…
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