Une fois n’est pas coutume, prenons un peu de recul pour mieux comprendre la situation actuelle. Un livre intitulé "Le prix de demain : pourquoi la déflation est la clef d’un futur abondant" a attiré mon attention. Rédigé par Jeff Booth, un entrepreneur de la Silicon Valley, il propose une approche novatrice.
L’auteur part d’une constatation que nous pouvons tous faire, à savoir que le progrès technique permet de faire plus avec moins. Il traduit cela en termes économiques, monétaires plus précisément, par la notion de déflation :
"La technologie est déflationniste. Ce n’est pas une conjecture. C’est l’essence de la technologie. Et comme la technologie, de plus en plus, est la base du monde qui nous entoure, cela signifie que nous entrons dans une ère de déflation comme le monde n’en a jamais connu." (p. xv)
On ne parle pas ici uniquement de la technologie au sens matériel du terme, mais aussi des plateformes de mise en relation (comme Amazon), de l’intelligence artificielle, du Bitcoin (même si cet aspect est peu développé) et de l’énergie (même si l’auteur croit exclusivement aux renouvelables, alors que c'est surtout la fusion nucléaire qui fera s’effondrer le coût de l’électricité).
Pourtant, nous n'observons pas de baisse des prix. Au contraire, nous subissons une inflation élevée depuis plus d’un an déjà, et même depuis plus longtemps, car 2% n’est pas rien. Si l’on considère que les prix doivent globalement baisser grâce au progrès technique, disons d’environ 2% par an comme on pouvait le mesurer sur les prix de gros aux États-Unis à la fin du XIXe siècle sous le régime de l’étalon-or (il n’existait pas d’indice des prix à la consommation comme aujourd’hui), cela représente une inflation réelle de 4% par an.
Non, nous ne voyons pas les prix baisser car "la seule chose qui stimule la croissance dans le monde d’aujourd’hui est le crédit facile, qui est créé à un rythme difficile à concevoir." (p. xvii)
Le crédit, le déficit budgétaire, la planche à billets des banques centrales, voici la source de l’inflation :
"Partout dans le monde, les loyers, les prix des logements, les carburants, la nourriture et bien d’autres coûts augmentent, nous gardant dans une roue à hamster. Pour quiconque vivant dans cet environnement, il est presque impossible de croire à la déflation ou à l’abondance qui pourrait en découler. Mais cette hausse des prix est artificielle, motivée par une énorme augmentation du crédit et de la dette." (p. xxiii)
Selon Jeff Booth, nous arrivons au bout de cette logique, celle d’une croissance de plus en plus faible mais qui nécessite des montants croissants de dettes, ce qui n’est pas viable :
"Sans la poursuite des dépenses de consommation alimentées par la dette, ce serait comme enfoncer une épingle dans un ballon. La croissance s’effondrerait et nous verrions soudain ce qui était là depuis le début : la tendance naturelle à la déflation technologique." (p. 10)
Il n’hésite pas à parler d’une "économie Ponzi" dont l'effondrement se profile :
"Cette dette elle-même est un frein massif à la croissance future en raison des paiements d’intérêts sur cette dette. […] Il est tout à fait plausible que la dette mondiale devienne un chiffre si élevé que la seule solution consiste à appuyer sur le bouton réinitialisation". (p. 76)
L’entrepreneur est persuadé que la technologie balaiera ce système vermoulu :
"L’environnement inflationniste sur lequel nous nous sommes appuyés jusqu’à présent pour créer de la croissance est en train de s’effondrer à cause de la technologie." (p. 21)
"L’aspect déflationniste de la technologie est une force trop grande et elle finira par submerger les plus grands efforts déployés pour l’arrêter." (p. 170)
Cette vision semble un peu trop optimiste. D’ailleurs, Jeff Booth le reconnaît :
"Les gouvernements ne renonceront pas volontairement au contrôle de leur monnaie." (p. 171)
Ce changement de paradigme se fera dans la douleur, et la Monnaie numérique de banque centrale (MNBC), obligatoire et programmable, pourrait permettre aux États de maintenir leur emprise… L'auteur ne perçoit pas non plus comment la "transition énergétique" fait grimper le prix de l’énergie, ce qui va à l’encontre des progrès technologiques que nous pourrions réaliser dans ce domaine.
Cependant, il est très pertinent de considérer le progrès technologique comme une force qui contribuera à l'effondrement de la montagne de dettes. C’est tout l’intérêt de cet ouvrage.
Jeff Booth évalue aussi comment se comporteront les actifs financiers lors d'un tel retournement :
"La déflation n’est pas intrinsèquement bonne ou mauvaise. Ce qui compte, c’est de savoir où vous placez votre argent. De chaque côté de l’équation, il y a des gagnants et des perdants. Avec l’inflation, les détenteurs d’actifs gagnent, puisque les dollars à venir valent moins et qu’il faudra donc plus de dollars pour acheter des actifs à une date ultérieure. Avec la déflation [ces actifs s’effondrent, NDLR], les détenteurs de monnaie sont gagnants, puisque leurs dollars peuvent acheter plus de biens et services à l’avenir qu’aujourd’hui." (p. xxii)
Sauf qu'après l’effondrement, le futur dollar ne vaudra sans doute pas grand-chose. Quant à l’euro, existera-t-il encore ? Pour traverser un tel ouragan, mieux vaut placer son argent dans l’or physique, ou encore le bitcoin.
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