Nous avons déjà parlé du risque d’illiquidité qui augmente sur les marchés : désormais il commence à toucher même les compartiments les plus liquides comme la dette souveraine des grands pays. Cette situation peut paraître paradoxale puisque la BCE, avec son QE, injecte 60 milliards d’euros tous les mois sur les marchés de la dette publique européenne, voilà qui devrait au contraire réduire le risque d’illiquidité ! Mais précisément, ces achats massifs assèchent le marché : la BCE se sert et les autres prennent ce qui reste.

Une récente enquête sur la dette française le confirme. S’il n’y a rien de grave pour le moment, on note un début de détérioration : la liquidité des OAT (emprunts à long terme, de 5 à 50 ans) et des BTAN (moyen terme, de 2 à 5 ans) est jugée "très satisfaisante" à 51,5%, contre 62% l'an dernier, tandis que pour les obligations indexées sur l'inflation, les avis négatifs ("plutôt pas satisfait" ou "pas satisfait du tout") passent de 18,9% à 28,4%. Le poids pris par la BCE en 2015 en raison de son programme d'achats d'actifs (QE) explique en grande partie cette évolution inquiétante. En intervenant sur les marchés avec une telle puissance de feu, elle évince les autres acteurs pour qui il devient plus difficile d’acheter et de vendre aussi rapidement et facilement qu’auparavant.

Cette illiquidité produit naturellement une augmentation de la volatilité des prix, que l’on constate sur les marchés des actifs financiers, notamment depuis l’été dernier. L’équilibre entre l’offre et la demande se produit de façon plus heurté, avec de brusques mouvements de prix. La BCE obtient ainsi l’inverse de ce qu’elle recherche : plus de risque et plus d’instabilité. Les marchés financiers deviennent plus fragiles, plus exposés à une crise.

Surtout ne croyez pas que cet échec flagrant amène Mario Draghi, le président de la BCE, à réduire ou à stopper son plan de rachat de dette publique européenne. Au contraire, des rumeurs insistantes évoquent une augmentation du QE ! A ce niveau de bêtise il faut se poser une question : et si la volonté d’évincer les acteurs privés procédait d’une action planifiée ? La volatilité dissuade et fait fuir les investisseurs "normaux", ceux de moyen et long terme, ceux qui peuvent peser sur la tendance par leurs choix et leur analyse, elle n’attire plus que les hedge funds qui interviennent ponctuellement et au gré des circonstances. Dans une telle configuration, qui ferait de la BCE le principal investisseur de long terme, la manipulation des cours devient une chose aisée. Le voici peut être l’objectif caché. Contrôler et soutenir la valeur des dettes publiques de la zone euro, y compris en cas de future crise. Un peu comme les grandes banques américaines contrôlent et manipulent le cours de l’or via le COMEX et ses montagnes d’or papier (mais plutôt à la baisse dans ce cas).

Le QE de la BCE servirait ainsi à tuer le marché de la dette publique de la zone euro, du moins à l’amoindrir, à le contrôler, à le "protéger" en cas de crise, à soutenir artificiellement les cours si les investisseurs se mettaient à douter. Ce type de manœuvre, on le sait, ne sert qu’à repousser l’échéance, à créer des bulles et à provoquer des crises encore plus sévères, mais en attendant Mario Draghi peut croire, et faire croire, qu’il maîtrise la situation.

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