"Pour 2600 milliards d’euros, t’as plus rien !", voilà ce que doit se dire Mario Draghi en ce moment, le président de la Banque centrale européenne (BCE). Cette somme délirante correspond au "QE" de la BCE, c’est-à-dire tout ce qu’elle acheté comme obligations depuis mars 2015. C’est ce qu’on appelle communément la "planche à billets" : la BCE n’a pas vendu d’actifs d’une valeur équivalente, ni emprunté ; elle a créé de l’argent à partir de rien, par un simple jeu d’écriture, pour acquérir ces obligations d’État et de grandes entreprises de la zone euro. C’est le pouvoir démiurgique des banques centrales, qui souvent se termine par une vague destructrice d’inflation (Zimbabwe, Venezuela, Allemagne en 1923, etc.).

Le QE, pour Quantitative easing, ou "assouplissement quantitatif", le terme technique pour "planche à billets", un peu trop vulgaire, parce que tout le monde comprend de quoi il retourne, a donc commencé en mars 2015 à raison de 80 milliards d’euros de rachat par mois, 60 milliards après avril 2017, 30 milliards après janvier 2018, puis 15 milliards depuis octobre et jusqu’en décembre. Soit, au total, 2600 milliards d’euros. Tout sera donc terminé le 1erjanvier ? En fait, pas vraiment, car lorsqu’une obligation arrivera à échéance, la BCE réinvestira la totalité de l’argent dans d’autres obligations, et cela représentera 200 milliards d’euros sur 2019, en moyenne 16 milliards par mois, soit le niveau du dernier QE. Il ne faut pas sevrer les marchés et les banques trop rapidement !

Quel était l’objectif de ce gigantesque QE ? Lutter contre une déflation que voyait poindre Mario Draghi, et qu’il fallait considérer comme une catastrophe absolue (en fait, surtout pour les États surendettés, pas pour les consommateurs) et, dans le même temps, soutenir l’économie par la baisse des taux d’intérêt. Ces rachats massifs ont provoqué une baisse des taux d’intérêt, et même des taux négatifs sur certaines périodes, ce qui était censé faciliter le crédit et donc, relancer l’économie… On n’a pas vu grand-chose, en fait. On ne s’enrichit pas en imprimant des billets de banque ! Pire, les taux d’intérêt artificiellement faibles diffusent de faux prix dans toute l’économie. En fait, la véritable raison était et reste le soutien du secteur bancaire européen, mal en point, fragile, avec un effet de levier de l’ordre de 1/30 (1 euro de cash pour 30 d’engagements), et donc totalement dépendant des liquidités offertes par la BCE. Les banques européennes bénéficient en outre d’autres programmes de l’institut monétaire, les TLTRO notamment.

Certains médias continuent d’écrire que "la BCE réduit son soutien à l’économie", ce qui révèle une méconnaissance totale de la réalité, mais passons. Mario Draghi a juste obtenu un sursis pour le système bancaire européen, le temps… d’aller au bout de son mandat qui s’achèvera en octobre 2019. Son successeur devra se débrouiller avec une BCE devenue un énorme hedge fund et un système bancaire qui n’aura pas réglé ses problèmes de fond ; on lui souhaite bien du courage.

Alors qu’est-ce qui n’a pas marché lors de la création de la BCE en 1998 ? Notre avis : ce ne sont pas les banques centrales qui doivent être indépendantes (parce que si elles font n’importe quoi, comme la BCE, nous sommes tous perdants), c’est la monnaie qui doit être indépendante, neutre, sans jamais de planche à billet, et la banque centrale est là pour le garantir. Trop tard pour rembobiner le film.

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