Nous alertons souvent ici sur la fragilité des banques, entre autres des établissements français, qui se croient protégés avec leur modèle revendiqué de "banque universelle". Il est heureux de voir des analyses indépendantes qui confirment ce point de vue, et c’est justement le cas du think tank Génération Libre qui vient de faire paraître le rapport Casser la rente bancaire française.

Les banques françaises seraient-elles atteintes de boulimie ? Comme le note le rapport, "Tout porte à croire que le système bancaire français a cru à une vitesse excessive" (p. 17). Effectivement puisqu’il a doublé de taille entre 2001 et 2011 ! Le total du bilan des cinq grandes banques françaises (BNP Paribas, Société Générale, Banque Populaire-Caisse d’épargne, Crédit Agricole, crédit Mutuel) s’élevait à 6.300 milliards d’euros fin 2014, soit trois fois le PIB de la France. Aucun autre Etat de la zone euro ne compte autant de mastodontes financiers. Et dans ce bilan agrégé, les prêts et créances (le cœur de métier) en représente moins de la moitié, 48% exactement. Par contre, les placements financiers, par définition soumis aux variations de prix du marché, pèsent 35%... Face à ces risques, les capitaux propres s’élèvent à 330 milliards d’euros, soit 5,2% du bilan seulement. Un chiffre dans la moyenne des pays européens cependant, ce profil périlleux étant commun au secteur bancaire tel qu’il fonctionne aujourd’hui dans le monde.

Le rapport démystifie la réussite des banques françaises : leurs performances sont surtout dues à la garantie implicite dont elles bénéficient de la part de l’Etat. "La forte probabilité qu’un Etat ne laissera pas tomber ses grandes banques en cas de crise est perçue par le marché comme un gage de solvabilité qui assure aux établissements financiers des conditions de financement favorables" (p. 27). Cette "subvention implicite" est chiffrée à 48 milliards d’euros par an pour l’ensemble du système bancaire français. Résultat, "nos méga-banques ressemblent de plus en plus à des gros hedge funds" (p. 28) qui pratiquent la privatisation des profits (au lieu de renforcer leurs fonds propres) et la nationalisation des pertes (Dexia).

Le rapport déplore les pratiques anticoncurrentielles des banques qui génèrent des frais élevés. Le manque de concurrence dans la gestion des placements en assurance vie et en OPCVM réduit le rendement de cette épargne de 17 milliards d’euros. Autant de perdu pour les épargnants français ! Ainsi, "Il est toujours amusant d’entendre en France les grands dirigeants de banque, et le gouverneur de la Banque de France, appeler à la mise en œuvre de ‘réformes structurelles’, notamment sur le marché du travail et le marché des biens, permettant d’introduire plus de concurrence pour générer plus de croissance. Car pour ce qui les concerne, les grandes banques françaises détestent la libre concurrence." (p. 36)

Enfin le rapport s’insurge contre la "capture du régulateur", ce que l’on appelle plus communément le "capitalisme de connivence" entre les pouvoirs publics et les grandes banques : "Cette proximité devient excessive lorsqu’elle amène les responsables publics à ignorer les intérêts des autres parties prenantes du marché bancaire, à commencer par les clients et l’économie réelle, et à minorer les risques." (p. 52)

Le rapport formule plusieurs propositions pour "casser les rentes du secteur bancaire" (séparation bancaire, renforcement de la concurrence, ubérisation), il passe à côté du danger que représente la directive BRRD, mais il formule cet avertissement salutaire : "Après la Grande crise de 2008, la minimisation des risques inhérents à la finance globalisée et au gigantisme bancaire n’est plus acceptable" (p. 52). En attendant que les banques se réforment (on peut rêver), l’épargnant aura la prudence de se débancariser, au moins en partie, pour s’orienter vers l’or physique, ce qu’il y a de plus solide face à la fragilité ambiante.

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