Selon un palmarès établi par Les Echos, parmi les dix-sept principales banques européennes, la Deutsche Bank compte le plus grand nombre de salariés rémunérés plus d’un million d'euros par an, 643 exactement, devant Barclays (542) et HSBC (399), pourtant la première banque de l'UE par le bilan.
Ce chiffre est proprement scandaleux, car la première banque allemande ne présente pas des performances exceptionnelles, loin de là. Elle affiche certes une année 2018 bénéficiaire, mais de justesse (267 millions €), et qui vient après trois années de pertes. Son plus gros moteur, la banque d'investissement, a vu ses profits avant impôts passer de 1.705 à 530 millions € entre 2016 et 2018, et au premier trimestre 2019, la division était déficitaire. Plus inquiétant, la Deutsche Bank est la banque la plus exposée aux produits dérivés dans le monde, avec un montant estimé de 64.000 milliards $, soit 16 fois le PIB de l’Allemagne… Pas de quoi pavoiser. Les investisseurs ne s’y trompent d’ailleurs pas, son cours de bourse est massacré : -90% depuis son plus haut atteint en mai 2007.
Autre élément inquiétant, la banque est impliquée dans l’un des plus grands scandales de blanchiment de l’histoire, celui de la banque danoise Danske Bank, pour le montant record de 180 milliards €. La fraude passait par sa filiale située en Estonie, mais la Deutsche Bank gérait 80% des flux en provenance de la banque danoise pour ses clients en Russie… Affaire dans l’affaire, l’organisme de contrôle des banques – l'Autorité bancaire européenne (ABE) – aurait enterré une enquête sur ce scandale. À l’époque c’est la française Danielle Nouy qui dirigeait l’institution (son mandat courait du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2018), mais elle ne s’exprime pas, pour l’instant tout du moins.
Dans ce cadre, le fait que la Deutsche Bank s’affiche en tête pour le nombre de salariés millionnaires s’apparente à une entreprise de prédation. Sans doute y a-t-il un sentiment d’urgence, la dernière fête avant l’effondrement, Take the Money and Run (prend l'argent et sauve toi), la dernière coupe de champagne sur le Titanic en train de couler…
Ce chiffre de 643 millionnaires s’explique. Nous sommes en effet au croisement de deux perversions du capitalisme, difficilement évitables lorsque l’État a acquis une taille si importante comme c’est le cas dans nos sociétés contemporaines :
- Le Too big to fail (trop gros pour faire faillite), qui rend la faillite impensable par le cataclysme qu’elle provoquerait, le soutien de l’État obligatoire, où la sanction du dépôt de bilan disparaît et pousse à prendre encore plus de risques.
- Le Crony capitalism (capitalisme de connivence) c’est-à-dire les liens étroits entre l’État et les grandes entreprises, le premier protégeant le second en échange de menus services (embauche de membres du cercle du pouvoir, ou valises de billets, cf le scandale Danske Bank plus haut).
"Les rats quittent le navire", dit-on, lorsque la tempête s’annonce, mais dans les banques ce sont plutôt les officiers qui partent en premier, et en emportant l’argenterie. Cette information est vraiment inquiétante quant à la pérennité de la Deutsche Bank.
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