Mais que se passe-t-il avec la Deutsche Bank ? Le gouvernement allemand, qui n’est pas connu pour son interventionnisme, pousse à une fusion du mastodonte bancaire avec la deuxième banque du pays, la Commerzbank, selon le magazine économique Focus. Le ministère des Finances envisagerait une prise de participation au capital de Deutsche Bank pour ensuite organiser un rapprochement des deux banques via un échange d'actions, sachant que l'État est déjà le premier actionnaire de Commerzbank avec 15% du capital. L'objectif serait de s'assurer que la première économie européenne dispose d'au moins un établissement bancaire capable d'accompagner ses entreprises à l'international (La Tribune). Ah bon, la situation est si grave ? Les entreprises de l’un des plus grands pays exportateurs de la planète pourraient perdre l’accès aux marchés financiers internationaux ?
La Deutsche Bank ne va pas bien, son cours a perdu 50% de sa valeur depuis le début de l’année, mais la Commerzbank ne se porte pas mieux puisque son action a reculé de 46% sur la même période. L’effondrement du cours de la Deutsche Bank depuis son plus haut atteint en mai 2007 (105 euros) est même vertigineux : - 90% !
La première banque allemande inquiète depuis longtemps, jusqu’à la Banque centrale européenne, nous l’avions signalé en avril dernier. La Deutsche Bank est perpétuellement en "restructuration", mais sans jamais parvenir à dégager une rentabilité satisfaisante. Elle est au cœur de nombreux litiges qui lui ont déjà coûté 18 milliards de dollars d’amendes depuis la crise financière de 2008 (manipulations du Libor et de l’Euribor, sur les subprimes, le marché des changes, etc.). Et surtout, elle est la banque la plus exposée aux produits dérivés dans le monde, avec un montant estimé de 64.000 milliards de dollars, soit 16 fois le PIB de l’Allemagne…
Comme si cela ne suffisait pas, elle vient d’être impliquée dans l’un des plus grands scandales de blanchiment de l’histoire, celui de la banque danoise Danske Bank, pour le montant hallucinant de 180 milliards d'euros). La fraude passait par sa filiale située en Estonie, mais la Deutsche Bank gérait 80% des flux en provenance de la banque danoise pour ses clients en Russie… une affaire à suivre, qui pourrait coûter très cher à la banque de Francfort.
Son effet de levier est de 28 (1 euro de liquidité pour 28 euros d’engagements) ; un ratio démentiel qui la fragilise en cas de retournement des marchés. Mais ce chiffre s’inscrit finalement dans la norme européenne, malheureusement. Les banques françaises jouent aussi avec le feu, et le payent par des cours en berne, nous l’avons montré.
Alors, que se passe-t-il à la Deutsche Bank ? En fait, elle souffre de la maladie commune des banques européennes, c’est-à-dire essentiellement un effet de levier bien trop élevé, auquel elle rajoute quelques casseroles spécifiques (montant record des produits dérivés, manipulations et blanchiment supérieurs à la moyenne). D’où cette volonté du gouvernement allemand de la fusionner, en croyant ainsi la renforcer, même si la crise de 2008 a montré que la logique "too big to fail" ne réglait pas les problèmes et déresponsabilisait l’équipe dirigeante. C’est plutôt un démantèlement qu’il faudrait mettre en œuvre, sinon les poches de la riche Allemagne risquent de ne pas être assez profondes… Et au-delà, cette banque hautement systémique ferait trembler l’ensemble du secteur bancaire européen, un Lehman Brothers en pire en quelque sorte.
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