Voici une illustration supplémentaire des dégâts que provoquent les taux zéro sur la banque de détail, en France et dans le monde. En 2000, lorsque le mastodonte bancaire sino-britannique HSBC veut acheter le Crédit Commercial de France (CCF), il est en concurrence avec le néerlandais ING et doit mettre 11 milliards d’euros sur la table. Vingt ans plus tard, alors qu’il cherche à s’en défaire, le prix de cession est "proche de zéro" selon Les Echos.
Rebaptisé HSBC France, on parle tout de même de 800.000 clients d’un niveau de revenu et de patrimoine supérieur à la moyenne, de grands industriels, de 300 agences et de 5.000 salariés. À l’époque sixième banque française, le CCF se positionnait sur le haut de gamme, bien plus rémunérateur que les gros bataillons des banques de réseau.
Mais l’acquéreur devra commencer par engager des frais de restructuration devenus nécessaires pour le réseau et pour un plan de départ de 500 salariés (200 à 300 millions d'euros), ainsi que pour la migration informatique (100 millions d’euros). Certes, mais cette clientèle rapporte-t-elle de l’argent ? Ça c’était avant, à l’époque où les taux d’intérêt réels étaient positifs et où des clients aisés et fortunés apportaient des montagnes de liquidités que la banque replaçait sur les marchés pour empocher de substantiels revenus. À l’époque où le crédit rapportait, quand les emprunteurs payaient 5, 6, ou 7% d’intérêt annuels pour un argent que la banque trouvait dans ses comptes, ou sur le marché à 2 ou 3%, ce qui lui faisait une belle marge d’intérêt, comme on dit. Celle-ci a disparu désormais avec les taux zéro qui ont envahi notre monde financier. HSBC France a annoncé une perte de 39 millions d’euros pour 2019.
Toutes les banques françaises ont regardé le dossier mais seulement deux d’entre elles se sont montrées intéressées, la Société Générale et la Banque Postale. La première s’est pourtant engagée dans un programme de cession de plusieurs filiales (Norvège, Bulgarie, Serbie, Pologne, Afrique du Sud), à moins qu’il s’agisse d’un recentrage sur le territoire national. La seconde trouverait là un réseau bancaire en propre et une clientèle haut de gamme, en parfaite complémentarité de ses bureaux de poste. C’est bien sûr l’offre qui est privilégiée par les salariés de l’ex-CCF, alors que la Société Générale est déjà engagée dans un programme de restructuration de son propre réseau (fermeture de 500 agences entre 2015 et 2020).
Ce cas emblématique ne concerne pas que la France, bien sûr, et le groupe HSBC vient d’ailleurs d’annoncer sa volonté de supprimer 35.000 emplois dans le monde, soit 15% de ses effectifs, après une chute de 53% de son bénéfice net en 2019. Toutes les banques sont touchées par cet écrasement de leur marge d’intérêt, toutes souffrent et dégraissent leurs effectifs.
Suggérons une idée aux banques pour sortir, au moins en partie, de cet étau des taux zéro : proposer et encourager l’acquisition d’or physique par leurs clients, ce qui leur procurera des commissions de vente, et débarrassera dans le même temps leurs clients d’une partie de leurs liquidités dont elles ne savent que faire et qui finissent par leur coûter. Mais c’est sans doute trop disruptif pour qu’elles y pensent…
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