Conformément aux déclarations de Mario Draghi, la Banque Centrale Européenne (BCE) a donc lancé son programme de Quantitative easing ce lundi 9 mars. Ce QE porte le nom de "programme de rachat de dette du secteur public" (PSPP, Public Sector Purchase programme), il consiste à racheter 60 milliards d’obligations publiques par mois pendant 19 mais, soit au total 1140 milliards d’euros. Ces rachats se feront au prorata de la répartition des différents pays au capital de la BCE, ce qui signifie qu’elle devrait racheter environ 27 % de titres allemands, 20 % de titres français et 18 % de titres italiens, etc.
En délestant les banques et les investisseurs institutionnels de ces titres publics en échange de liquidités, la BCE veut d’une part les pousser vers les actifs risqués et, d’autre part, les inciter à plus prêter de façon à améliorer le financement de l’économie. Est-ce que ça va marcher ? Non, en grande partie parce les normes prudentielles (Bâle 3 pour les banques et Solvabilité 2 pour les assurances) obligent les institutions financières à garder dans leurs bilans des obligations souveraines comme "coussin de sécurité" (le ratio LCR), les ventes seront donc d’une ampleur limitée. Et plus fondamentalement, les taux d’intérêt se trouvent déjà au plus bas, en conséquence si le crédit ne repart pas cela est du à des causes plus profondes, liées à la crise que nous traversons.
Par contre, ce QE comporte de nombreux effets pervers qui risquent de perturber encore plus les économies européennes. Tout d’abord, ce plan constitue une formidable opportunité pour la France, l’Italie et les pays du Sud de ne pas trop faire d’efforts pour revenir à l’équilibre budgétaire puisque le financement de leurs déficits sera d’autant plus facilité par ces achats de la BCE ! Les comptes publics peuvent demeurer dégradés, aucune sanction ne viendra, les taux ne monteront pas.
D’autre part, ces 1140 milliards d’euros créés ex nihilo (la "planche à billets"), en se déversant sur les marchés, vont écraser les taux et les primes de risque, rendant les marchés aveugles aux risques réels. Ce déluge de liquidités va dans le même temps contribuer à la formation d’une bulle sur les actions (les bourses européennes ont d’ailleurs fortement progressé depuis les annonces de Mario Draghi). Autant de déséquilibres inquiétants.
Enfin, ce QE va accélérer la perte de valeur de l’euro, qui est passé en l’espace d’un an de 1,40 dollar (en mars 2014) à 1,07 dernièrement. Seuls quelques keynésiens naïfs penseront que cela relancera les exportations (au Japon la baisse du yen n’a en rien relancé l’économie). En réalité une dévaluation correspond à un appauvrissement.
Il n’y a au fond aucune raison sérieuse de faire ce QE, l’expérience déjà longue du Japon dans ce domaine démontre que cela n’a strictement aucun effet sur la croissance économique, tandis qu’aux Etats-Unis on a pu noter quelques "effets de richesse" (les actions montent donc le patrimoine de nombreux Américains augmentent et ils consomment plus) mais qui ne se retrouveront pas en Europe du fait de la faible détention d’actions dans les classes moyennes et supérieures. C’est comme si Mario Draghi voulait faire comme les autres, démontrer que la BCE peut faire une politique "non conventionnelle" comme la BoJ et la Fed. Sur ce plan c’est réussi, mais nous risquons de le payer cher.
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