Pour l’INSEE, le pouvoir d’achat des Français continue de progresser... Et pas qu’un peu puisque le revenu disponible s’affiche, selon l'Institut national de la statistique, en progression sur un an de presque 9% au premier semestre 2023 (i. e. une progression de 4,5% sur janvier-juin, ce qui ramené à l’année donne 9%). Du jamais vu depuis 25 ans !
Comment cela est-il possible alors que le salaire de base a augmenté de seulement 4,6% au second semestre ? 4,6% en annualisé (soit 2,3% sur le semestre) ne suffit pas à couvrir l’inflation (notamment pas énergétique et alimentaire) et indique plutôt une perte de pouvoir d’achat.
L’économiste de XERFI, Olivier Passet, apporte plusieurs explications :
- "La faible progression des impôts et des cotisations sociales", qui augmentent moins vite que les revenus suite à la défiscalisation des primes, aux allègements de charges, et à l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation.
- Une manipulation comptable de l’INSEE : l’explosion des revenus fictifs liés aux activités des ménages comme producteurs de services domestiques. "Pure convention comptable, ce flux qui n’a pas de réalité concrète dans la vraie vie monétaire des ménages explose pour une raison étrange : les coûts intermédiaires inhérents à ces activités se seraient littéralement évaporés".
- Mais la "source numéro un" est "la très forte progression des revenus financiers nets", grâce à la hausse des dividendes versés.
Outre un tripatouillage des chiffres, le pouvoir d’achat augmente principalement grâce aux dividendes versés, ce qui ne concerne qu’une petite partie des ménages, les plus fortunés, qui possèdent un portefeuille d’actions conséquent. Des revenus mis de côté, ce qui explique la bonne tenue de l’épargne. Tant mieux pour eux, mais en déduire que le pouvoir d’achat augmente relève d’une affirmation malhonnête tant elle concerne une infime fraction des Français.
On ne peut qu’être ulcéré par ce travestissement d’une réalité cruelle pour bon nombre de nos compatriotes. Dans mon livre "Pouvoir d’achat, le grand mensonge", j’avais détaillé les manipulations de l’INSEE (notamment la sous-estimation de l’immobilier dans l’indice des prix). L’année dernière, j’ai aussi parlé de l’effet pondération, qui permet de minorer l’inflation. Et ça continue !
Quels enseignements en tirer ? Si vous n’avez pas d’épargne et que vous ne pouvez pas mettre d’argent de côté, les prochaines années s'annonçent très compliquées. Votre pouvoir d’achat sera ravagé par l’inflation, qui va malheureusement perdurer avec la remontée des prix du pétrole (lire notre article du 28 septembre). À l’autre bout du spectre, les ménages fortunés empochent des dividendes, mais attention, les actions comportent un risque en capital, comme le précise la mention obligatoire. Un risque de chute des cours actuellement renforcé par la récession qui pointe son nez, particulièrement dans une Europe touchée de plein fouet par le renchérissement de l’énergie (conséquence de la coûteuse transition énergétique et des sanctions envers la Russie). L’or physique ne verse pas de dividendes, certes, mais il protège très bien de l’inflation sur le long terme, sans subir trop d’à-coups. Les épargnants feraient bien de le prendre davantage en considération, sinon, malgré leur matelas plus ou moins confortable, ils s'exposent à de sérieuses déconvenues.
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