La Banque Nationale Suisse (BNS) a perdu 50,1 milliards de francs (47,7 milliards d'euros) rien que sur le premier semestre de l'année 2015. "C'est un chiffre énorme" a piteusement reconnu le porte-parole de la banque. Un record pour la BNS, tout comme pour les banques centrales depuis la crise de 2008.

Ce chiffre montre à quel point les banques centrales, sensées constituer des pôles de stabilité dans l'univers financier, se comportent encore pire que des hedge funds. En l'occurrence, la BNS a décidé le 15 janvier de laisser flotter sa monnaie, après l'avoir maintenu au cours de 1,20 franc pour 1 euro en rachetant massivement des euros sur les marchés des changes. Ce cours était demandé par les milieux économiques pour maintenir la compétitivité des exportations. Néanmoins la quantité d'euros à acheter pour tenir ce ratio augmentait sans cesse et faisait trop enfler le bilan de la BNS, qui a du dire stop en ce début d'année. Résultat, le franc suisse s'est apprécié de 20%, et bien sûr dans le même temps les euros accumulés dans le bilan de la BNS se dévaluaient d'autant, d'où cette perte de 50,1 milliards de francs suisses. La BNS s'en remettra, l'année dernière elle avait affiché un bénéfice record de 38,3 milliards de francs suisses, en profitant cette fois de gains sur le dollar et la livre sterling. Un vrai hedge fund, on vous le dit !

Le problème est que les autres banques centrales prennent des risques de la même ampleur. Depuis le début de l'année, la BCE (à travers les banques centrales nationales de la zone euro) achète 60 milliards d'euros d'obligations par mois, ce programme étant prévu pour durer jusqu'en septembre 2016, soit un montant total de plus de mille milliards d'euros. Les taux étant actuellement très bas, leur remontée diminuerait considérablement la valeur de ces obligations, entraînant des pertes gigantesques. La Banque du Japon suit la même politique, celle d'un Quantitative easing massif. Idem pour la Fed, qui a certes arrêté son QE, mais dont bilan est encore rempli de bons du Trésor. Par ailleurs la banque centrale de Chine et celle du Japon possèdent chacune plus de mille milliards de bons du Trésor américain, et sont donc exposées au risque de change en plus du risque de taux. Ce type de perte hors du commun, comme nous l'avons connu avec la BNS, est à prévoir dans les années qui viennent.

Ceci dit une banque centrale ne peut pas faire faillite, elle peut être renflouée par l'Etat, ou même se renflouer elle-même en faisant tourner sa planche à billets. Elle est le "prêteur en dernier ressort", y compris pour elle-même, bien évidemment. Avec la banque centrale et les grandes banques "too big to fail", c'est ainsi tout le système bancaire qui vit en dehors des lois du marché, qui ne paye jamais le prix de ses erreurs, qui enfle au fur et à mesure que les QE s'accumulent, qui génère moins des bénéfices que des effets de rentes, sauf quand des pertes cataclysmiques surviennent mais, pas d'inquiétude, les renflouements arrivent de façon automatique, et c'est reparti pour un tour !

Cependant toutes ces manipulations se payent un jour : la faillite pour une banque centrale c'est l'hyperinflation, quand les billets qu'elle émet ne valent plus rien, que les détenteurs s'en débarrassent immédiatement et les refusent en paiement. Nous n'en sommes pas là, en attendant, la sphère financière vit de plus en plus sur elle-même, assure de moins en moins sa fonction de financement de l'économie, et devient de plus en plus une source d'instabilité pour l'ensemble de l'économie... 

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