L’économie allemande se porte bien mais ses banques souffrent, à cause des taux zéro. La Commerzbank, deuxième banque du pays après la Deutsche Bank, a présenté des résultats en net recul, son bénéfice s’est effondré en passant de 1 milliard d’euros en 2015 à 279 millions en 2016. La Deutsche Bank, elle, enregistre une perte de 1,4 milliard d’euros, notamment due à diverses amendes, mais elle souffre, comme la Commerzbank, de la faiblesse des taux d’intérêt avec une baisse de 10 % de son chiffre d’affaires, à 30 milliards d’euros. Un autre pays qui se porte bien, le Royaume-Uni, voit sa plus grande banque, HSBC, annoncer une chute de 82% du bénéfice net (2,48 milliards de dollars en 2016 contre 13,52 l’année précédente), notamment à cause de la baisse des taux. La livre sterling ne se distingue en effet pas de l’euro sur ce point.

En Europe, en moyenne les deux-tiers du produit net bancaire (le "chiffre d’affaires" de la banque) proviennent de la marge d’intérêt, la différence entre le taux payé par les clients et celui auquel la banque se refinance. Évidemment, avec les taux zéro, les banques voient cette marge s’écraser. L’effet est d’autant plus violent que, dans la plupart des pays européens, les prêts se font à taux variable, la baisse des taux est alors immédiatement répercutée sur l’ensemble des prêts; ce qui fait plonger les marges. La France fait figure d’exception, les prêts y sont à taux fixe, même s’ils peuvent être renégociés, mais tout le monde ne le fait pas. Les banques sont donc moins atteintes par cette baisse des taux, elles gardent un stock de prêts encore rentables, voilà ce qui explique leur relative bonne santé. Mais si les taux zéro ou faibles continuent, elles seront également touchées bien sûr.

Les taux zéro atteignent les banques européennes au cœur de leur activité, et à cela il faut rajouter les créances douteuses, qui affectent particulièrement l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce et Chypre, nous en avons parlé. Le plus inquiétant est que les banques des pays bien portants ne sont pas épargnées.

Cependant, pour le moment, ces chutes des bénéfices et les menaces sur la solvabilité sont masquées par la Banque centrale européenne qui offre aux banques toutes les liquidités qu’elles souhaitent. Depuis la crise de l’euro en 2011, la BCE n’est pas avare en dispositifs spécialement dédiés au refinancement des banques (LTRO, VLTRO, T-LTRO, etc.), auxquels se rajoute son plan de Quantitative easing (80 milliards d’euros par mois, 60 à partir de mars), qui permet également de leur apporter de la liquidité. Cette politique l’amène à grossir plus que de raison : le bilan de la BCE se monte à 3.660 milliards d’euros, soit l’équivalent de 31,6% du PIB de la zone euro !

Jusqu’à quand cela peut-il continuer ? Dans une situation instable, le choc peut survenir de n’importe où. L’Allemagne émet régulièrement des critiques envers la politique laxiste de la BCE; elle pourrait perdre patience et taper du poing sur la table. Un « accident » pourrait se produire, qui toucherait une banque italienne, ou la Deutsche Bank. Le risque politique doit être pris en compte, avec par exemple un futur gouvernement italien qui annoncerait sa sortie de l’euro (le Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo est en tête dans les sondages). Quoi qu’il en soit, cette explosion du bilan de la BCE a seulement permis de masquer la crise de la zone euro pendant un temps, mais elle risque de bientôt revenir, et même les banques des pays bien portants seront touchées…

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