Il est difficile d’estimer dans quelle direction va aller le marché immobilier en France : d’un côté la politique laxiste de la Banque centrale européenne (BCE) apporte des liquidités qui s’investissent en partie dans la pierre, et en font monter la valeur, comme on le voit dans les autres pays européens et aux États-Unis, mais d’un autre côté des facteurs réels pourraient pousser les prix à la baisse. Tentons de peser le pour et le contre.

Le premier facteur de baisse du marché immobilier serait justement un changement complet de la politique de la BCE, un arrêt du QE et une remontée des taux d’intérêt. Mais il y a vraiment peu de chance que cela se produise tant Christine Lagarde, qui prendra ses fonctions le vendredi 1ernovembre, a indiqué vouloir placer ses pas dans ceux de Mario Draghi. Alors voyons les facteurs réels.

Commençons par constater que la hausse des prix de l’immobilier est de plus en plus concentrée : dans Paris et les 9 plus grandes villes françaises, les prix ont progressé de 21,1% sur les 5 dernières années quand ils s’élevaient de 8,8% en moyenne en France. Ce top 10 contribue à lui seul à près du quart de la hausse générale. En élargissant le périmètre aux aires urbaines de ces métropoles, c’est plus de 51% de la progression générale qui est ainsi expliquée. Bref, si ces villes basculent, c’est l’ensemble du marché qui décroche. Alors, qu’est-ce-qui pourrait bien les faire vaciller ?

Selon l’économiste Alexandre Mirlicourtois (Xerfi), le premier choc possible serait une forte progression du chômage, mais cela nous semble peu probable. Une crise économique et une hausse du chômage auraient bien sûr des conséquences négatives sur l’immobilier, mais la crise de 2008 a montré que ces effets s’avéraient finalement limités, du moins en France, qui n’a pas connu un effondrement des prix, notamment pas dans ses "métropoles mondialisées". Il faudrait une crise plus grave pour vraiment faire plonger le marché, ce qui n’est bien sûr pas à exclure.

Le deuxième choc possible serait une perte de confiance des investisseurs locatifs, qui revendraient alors leurs biens en masse. Ce scénario est tout à fait possible : déjà les investisseurs institutionnels (les assureurs notamment) s’écartent de ce marché, entre autres parce que la loi très laxiste favorise le mauvais payeur au dépend du propriétaire (il faut au minimum un an pour expulser un locataire qui ne paye pas son loyer). Les particuliers pourraient suivre, lassés des problèmes de gestion pour un rendement financier si faible. La création de niches fiscales en faveur du locatif (Pinel, après Girardin, Duflot, etc.) montre l’inquiétude de l’État à ce sujet. La hausse de la taxe foncière, pour compenser la – stupide – disparition de la taxe d’habitation, pourrait constituer l’élément déclencheur.

Enfin la revente des Français qui avaient acheté pour leur retraite pourrait précipiter une sérieuse baisse des prix. Les lois de la démographie sont incontournables, et le "pouvoir d’achat immobilier" s’inscrit en recul pour les nouvelles générations. Une baisse des pensions, tout à fait plausible compte tenu d’une pyramide des âges resserrée et du faible taux d’emploi, pourrait accélérer ce phénomène.

On le voit, même sans une remontée des taux d’intérêt, le placement immobilier perd de sa superbe, il devient bien plus risqué qu’on ne le pense. L’épargnant avisé ne doit pas lui accorder une foi aveugle.

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