Rappelons les chiffres : la dette publique de la France atteint 2299,8 milliards €, soit 99% du PIB. Cette dette est principalement celle de l’État (1828,4 milliards €), ainsi que la sécurité sociale (211,9 milliards €), les collectivités locales (199,4 milliards €), et les organismes divers d'administration centrale (le CNRS, le CEA, le Louvre, Météo France, etc. : 60,1 milliards €).
La dette publique ne cesse d’enfler d’année en année puisque les déficits – surtout ceux de l’État – persistent. Mais étonnement, la charge pour le budget de l’État ne cesse de reculer ! Pour quelle raison ? Grâce aux taux zéro, bien sûr. En effet, lorsqu’un emprunt arrive à échéance, l’Agence France Trésor en émet un autre du même montant, mais cette fois à un taux d’intérêt très faible. L’ancien emprunt, datant de plusieurs années, avait été souscrit à l’époque où les taux d’intérêt étaient plus élevés. Le remplacer par un emprunt à taux bas représente donc une bonne opération financière pour l’État !
Ainsi, comme l’explique l’IFRAP, s’appuyant sur une note de la Banque de France, la charge de la dette publique (le paiement des intérêts), qui est inscrite dans le budget de l’État, n’a cessé de diminuer entre 2011 et 2017, passant 55 milliards € à 42 milliards €. Ce recul a contribué pour 40% à l’effort global de réduction du déficit sous le mandat de François Hollande. Emmanuel Macron bénéficiera d’un pareil coup de pouce puisque la charge de la dette diminuera encore de 10 milliards € pour tomber à 32 milliards € en 2021. Mais après, l’effet s’arrêtera (puisque tout le stock aura été renouvelé à taux faible).
C’est magique : le déficit persiste, la dette s’accroît, mais le poids de la dette dans le budget diminue ! Voilà qui ne va pas inciter les gouvernements à redresser la barre. On peut même prévoir qu’ils vont laisser pourrir la situation jusqu’en 2022, date de la prochaine élection présidentielle, après on verra bien…
Alors, la dette on s’en fiche, on verra en 2022 ? Pas si vite.
Tout d’abord, il ne faut pas se limiter à la dette stricto sensu. L’article de l’IFRAP rappelle que la Cour des comptes a calculé que l’engagement hors bilan (implicite) de l’État représente au 31 décembre 2017 près de 4165 milliards €, dont 2429 milliards € au titre des engagements de retraite des fonctionnaires. Voici une charge dont l’inertie va lourdement peser sur les comptes publics dans les années à venir. On ferait bien de s’en occuper dès maintenant.
Ensuite, on le sait peu, mais si l’État emprunte à taux fixe, il a eu l’idée stupide d’émettre des emprunts indexés sur l’inflation pour 10% du total environ. Or, selon la Cour des comptes, une augmentation de l’inflation de 1/10e représente une charge supplémentaire immédiate de 200 millions €. 1% d’inflation, c’est 2 milliards €, et si les prix dérapent suite à une crise de la zone euro, à, disons, 10%, c’est 20 milliards € d’un coup (qui se rajoutent à la charge des 90% restants). À ce niveau, la France risque de ne plus pouvoir emprunter sur les marchés et de se retrouver en faillite (j’avais dénoncé ces emprunts en avril 2018).
Et puis les taux d’intérêt vont finir par remonter un jour ou l’autre, peut-être d’ailleurs dès la fin de cette année, si le successeur de Mario Draghi à la tête de la BCE le décide. On peut d’ailleurs avoir une idée de ce que cela donnera en regardant la situation des États-Unis, qui sont en avance sur nous puisqu’ils ont d’ores et déjà commencé à remonter leurs taux : entre les derniers trimestres 2010 et 2018, la charge des intérêts de la dette fédérale est passée de 404 milliards $ à 565 milliards $, soit une augmentation de 40% ! Washington bénéficie de la première monnaie de réserve mondiale et peut actionner la planche à billets. La France, elle, pourrait difficilement supporter un tel bond. Non, vraiment, c’est une grande erreur de faire preuve de légèreté vis-à-vis de la dette publique.
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