Au Japon tout va mal : le déficit commercial se creuse, la croissance ne redémarre pas, la dette publique continue d’augmenter. Pourquoi une telle situation ? Tokyo mène-t-elle une politique économique à part, différente des autres grands pays industrialisés ? Non au contraire, et c’est le plus inquiétant, il fait la même, mais en pire !

Lorsque Shinzo Abe a pris le pouvoir en décembre 2012, il affichait sa volonté d’accentuer les politiques laxistes menées jusqu’alors : encore plus de déficit budgétaire, et encore plus de planche à billets. Plus de déficit pour soi-disant soutenir la demande, mais on ne voit rien venir du côté de la croissance. Plus de planche à billets pour financer le déficit, mais aussi pour enclencher une dévaluation du yen (qui a perdu 20% par rapport au dollar sur 2013) et ainsi relancer les exportations. Mais les choses ne sont jamais aussi simples : les exportations ont à peine progressé, par contre le coût des importations s’est nettement relevé, et au final le déficit commercial s’est creusé !

Une chose va mieux, tout de même : l’indice Nikkei connaît une belle remontée depuis le début de l’année 2013. Piètre consolation, et c’est bien sûr surtout une bulle, le seul résultat que parvient à obtenir la création monétaire de la banque centrale.

Le Japon a de l’avance sur nous : il a connu sa grande crise (éclatement de la bulle immobilière et boursière) au début des années 90. Depuis il mène une politique laxiste que le nouveau Premier ministre a simplement accentuée. Le résultat c’est une dette publique équivalant à plus de 240% du PIB, un chiffre stupéfiant (le double de l’Italie, la Grèce c’est "seulement" 160%). Comment le pays supporte-t-il cette dette ? En l’achetant massivement tout simplement. Les Japonais ont une épargne très élevée et ils l’investissent en bons du Trésor, dans lesquels ils ont confiance, si bien qu’ils détiennent 93% de cette dette. Nul besoin de convaincre des investisseurs étrangers, l’épargne nationale suffit.

Cependant ce modèle commence à donner des signes de craquement. La proportion de Japonais en retraite augmente et, mécaniquement, le taux d’épargne diminue. Plus fondamentalement, les doutes face à cette politique de dette publique et de planche à billets doivent certainement commencer à grandir au sein de la population.

On note d’ailleurs une autre évolution, qui demeure marginale en volume, mais malgré tout révélatrice : les Japonais se remettent à acheter de l’or (les particuliers, pas la banque centrale). Si l’on en croit le "Gold Demand Trends Full Year 2013" du World Gold Council, "pour la première fois depuis 2005, après sept ans de demande nette négative (générant des sorties cumulées de 266 tonnes) les investisseurs japonais ont généré une demande d'investissement nette positive pour trois trimestres consécutifs en 2013." (page 12)

Jusqu’ici le Japon faisait plutôt figure d’exception au sein d’une Asie friande d’or (Chine, Inde, Vietnam, Thaïlande, Indonésie), même de bizarrerie puisque les japonais se débarrassaient de leur or, au point que le pays affichait une balance négative. Ce temps semble être révolu, une prise de conscience a eu lieu au cours de l’année 2013. Indique-t-elle un changement de grande ampleur ? Il est bien sûr trop tôt pour le dire mais, manifestement, face à une dette publique qui semble défier les lois de la gravité, un peu de bon sens monétaire refait son apparition au pays du soleil levant.

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