Sur la question des migrants, on voit les fractures se creuser dangereusement au sein de l’Union européenne, avec des prises de positions parfois virulentes dans les propos (cf les échanges d’amabilités entre Macron et Salvini), ou le refus des pays du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie) d’assister au sommet sur les migrations à Bruxelles le 24 juin. Les points de vue s’opposent frontalement, les inimitiés s’accroissent considérablement.
On ne peut s’empêcher, en voyant ce spectacle de désunion et d’esclandres, d’imaginer ce qu'il se passerait en cas de crise bancaire et financière. Parce qu’il faut bien examiner ce scénario désormais. La crise des migrants et une éventuelle crise bancaire n’ont pas de rapport entre elles, évidemment, mais les antagonismes qui sont en train de se creuser sur le premier dossier pourraient rejaillir sur le second. D’autant que certains commencent à créer des connexions entre la question des migrants et d’autres, qui n’ont a priori rien à voir : le commissaire européen Pierre Moscovici vient de suggérer que les fonds européens, qui bénéficient aux pays qui ont adhéré récemment, soient diminués s’ils n’acceptent pas de recevoir des migrants. Quel rapport ? Et si ces pays traversent une crise bancaire, on les aidera moins que prévu ?
Mais le problème principal demeure l’Italie, bien sûr, qui est à la pointe de la crise des migrants, et des problèmes bancaires… Car le secteur bancaire italien va mal, nous le savons, puisque 11,1% des prêts sont considérés comme défaillants ("NPL", pour non performing loans), un taux qui met clairement en danger le système financier transalpin, et qui n’est dépassé que par le Portugal (15,2%), Chypre (38,9%) et la Grèce (44,9%). Faisons une parenthèse : ce dernier chiffre montre au passage que la Grèce est en complète faillite contrairement à ce qu’on veut nous faire croire. La crise grecque "s'achève", annonçait le 21 juin le même Pierre Moscovici... quelle blague ! Bref, la France et l'Allemagne se sont mises d'accord pour proposer de limiter les prêts "non performants" des banques de l'UE à 5% maximum du total des encours, nous apprend La Tribune. Est-ce là un moyen de pression sur l’Italie ?
Autre élément du problème : la BCE prévoit d’arrêter son quantitative easing (QE) fin 2018 ; le programme de rachats d'actifs se poursuivra au rythme de 30 milliards d'euros par mois jusqu'en septembre 2018, puis il sera réduit à 15 milliards d'euros jusqu'à la fin décembre, et stoppé ensuite. Or ces rachats d’actifs, essentiellement des obligations souveraines, profitent largement à l’Italie qui peut ainsi afficher des taux d’intérêt raisonnables sur sa dette. Avec la fin du QE, les taux – qui ont déjà commencé à frémir avec l’incertitude politique – risquent de monter dangereusement. Une crise concomitante des finances publiques et du système bancaire en Italie mettrait en péril la zone euro toute entière. Si les pays européens réagissent en se tirant dans les pattes comme ils le font actuellement à propos des migrants, on imagine les dégâts. Le scénario d’une explosion de l’euro reviendrait subitement au premier plan.
L’Union européenne se fracture tandis que son secteur bancaire est mal portant (en Italie, mais aussi en Grèce et à Chypre, sans oublier la Deutsche Bank), voilà qui n’est guère rassurant pour l’épargnant européen… Voilà qui renforce notre scénario d’une crise financière qui, une fois n’est pas coutume, ne débuterait pas aux États-Unis, mais en Europe.
La reproduction, intégrale ou partielle, est autorisée à condition qu’elle contienne tous les liens hypertextes et un lien vers la source originale.
Les informations contenues dans cet article ont un caractère purement informatif et ne constituent en aucun cas un conseil d’investissement, ni une recommandation d’achat ou de vente.