Transcription :

 

Max Keiser : Bonjour, ici Max Keiser. J’ai le plaisir aujourd’hui de recevoir le banquier suisse Egon von Greyerz, de Matterhorn Asset Management et GoldSwitzerland.com. Heureux de vous revoir, Egon.

 

Egon von GreyerzCela me fait plaisir de revenir…

 

Max Keiser : Nous avons avec nous l’homme qui est descendu des montagnes suisses ! Egon, j’aimerais savoir ce que vous pensez de cela… ceci est un graphique dont nous discutions dans la première partie, sur l’expansion du crédit comparée au PIB qui reste plat, qui ne va nulle part. Que se passe-t-il ? Pouvez-vous commenter cela ?

 

Egon von Greyerz : Oui… cela s’appelle la loi des rendements décroissants ou, en termes simples, "pousser sur une corde". Vous ne pouvez pas améliorer les choses et, comme les gens derrière nous (de la City à Londres), vous ne pouvez pas créer de la richesse en imprimant des morceaux de papier sans valeur… et c’est ce que tous les gouvernements font en ce moment à travers le monde. Et, évidemment, vous atteignez un point où le PIB ne grimpe plus, car toute cette monnaie imprimée en vue de le faire grimper est sans valeur… Si vous mesurez le PIB avec l’inflation réelle plutôt qu’avec les chiffres publiés, vous obtiendrez un PIB décroissant.

 

Max Keiser : Une ou deux questions ici… Premièrement, vous dites que l’on ne peut pas créer de la prospérité en imprimant beaucoup de monnaie… Mais nous vivons dans une économie, depuis une centaine d’années, voire 150 ans, où la création de crédit fait partie de l’expansion économique. Il me semble, et corrigez-moi si je me trompe, que le cycle économique où vous aviez de la création de crédit, et alors une offre trop grande de biens et services, puis une baisse des prix, et une contraction du crédit… il semble que ces lois de la réalité économique ont été modifiées par cette mantra qui dit que, quelque soit le climat économique, on garde les vannes du crédit ouvertes… peu importe ce qu’il se passe, laissons les vannes ouvertes… ai-je raison ?

 

Egon von Greyerz : Bien sûr… et cela a commencé en 1913 avec la création de la Réserve fédérale. Depuis ce moment là, nous avons de l’impression monétaire illimitée, la création excessive de crédit, et cela est devenu exponentiel à partir de 1971, quand Nixon a abolit l’adossement du dollar sur l’or. Depuis le début des années 1990, la dette mondiale a doublé. Depuis 2008, la dette mondiale a augmenté d’environ 70 000 milliards $, soit quasiment 50%. Il y a eu une crise, et ils ont essayé de la résoudre en imprimant de la monnaie et en émettant encore plus de crédit… c’est pourquoi la crise est encore plus grande et la dette est encore plus importante qu’en 2008. Tout cela a été crée par ce système… Comme vous l’avez déjà dit, si on avait supprimé les banques centrales – ce que l’on aurait dû faire – et laisser le marché déterminer l’offre et la demande, nous n’aurions jamais eu ces énormes bulles. Et aujourd’hui, nous avons la plus grosse bulle de l’histoire, une bulle à l’échelle mondiale.

 

Max Keiser : Vous dites que cela se passe depuis une centaine d’années, depuis la création de la banque centrale des États-Unis… Il s’agit d’un comportement profondément enfoui dans les mentalités, car ils se servent souvent de cette astuce pour se sortir de leurs problèmes, en ouvrant les vannes du crédit. Ils se disent que cela a toujours fonctionné, depuis une centaine d’années… ils s’en sont sortis en ouvrant les vannes du crédit. Mais ces chiffres du PIB démontrent que cela ne fonctionne plus ! Comment faire accepter aux gens que le remède qu’ils ont utilisé depuis si longtemps ne fonctionne plus ?

 

Egon von Greyerz : Ils ne l’accepteront pas, le monde ne l’acceptera pas. Parce que le monde est habitué maintenant… Selon moi, les gouvernements achètent des votes avec cette monnaie, c’est tout ce qu’ils font. Ils essaient de garder les gens heureux, ils achètent des votes. L’austérité, nous le savons, ne fonctionne pas, dans n’importe quel pays; on l’a vu en Grèce, en Espagne, en Italie… il y a eu des grèves, des manifestations, des protestations… les gens sont habitués à ce que l’État s’occupe d’eux. Alors, malheureusement, cela ne peut pas s’arrêter si facilement : l’impression monétaire continuera – et cela ne règlera rien – la dette sera encore plus grande, et je suis convaincu que nous aurons encore plus de ‘QE’… je déteste ce mot ‘QE’ parce que c’est une expression artificielle pour faire croire aux gens qu’il s’agit de quelque chose de sophistiqué, mais c’est en réalité de l’impression monétaire. Et cette impression monétaire va augmenter dans les mois et les années à venir… tous les pays feront tourner la planche à billets, des États-Unis au Japon, en passant par la Chine et l’Europe, et nous aurons encore plus d’inflation, puis certainement de l’hyperinflation. Les gouvernements ne peuvent rien faire d’autre, ils n’ont pas d’autres solutions – il n’y a aucune solution à ce problème. Nous aurons un effondrement de ce système…

 

Max Keiser : En d’autres mots, ils ne sont pas prêts à changer d’attitude, alors ils nous entraînent délibérément vers l’effondrement… C’est la seule chose qui peut faire changer les comportements, un effondrement total du système financier. Nous parlons de ces choses là depuis plusieurs années déjà, mais là, il y a quelque chose de nouveau : les taux d’intérêt négatifs ! Ils ont expérimenté cela en Suisse… expliquez-nous d’abord de quoi il s’agit, comment ca fonctionne… qu’est-ce que ce NIRP (Negative Interest Rate Policy) ?

 

Egon von Greyerz : En fait, j’ai deux passeports; je suis né en Suède, mais je suis suisse également… et ces deux pays ont introduit des taux d’intérêt négatifs…

 

Max Keiser : Ah, vous êtes le dénominateur commun ! Je pensais que les Britanniques auraient été intéressés par les taux d’intérêt négatifs…

 

Egon von Greyerz : C’est ridicule, ces taux d’intérêt négatifs ! Au bout de compte, ils vont vous payer pour que vous preniez une hypothèque… c’est à ce point. Les gouvernements sont inondés de monnaie, la conséquence étant qu’il est impossible d’obtenir un rendement. Comment peut-on investir sans rendement ? La Suisse, avec ces taux négatifs, ne veut pas d’un franc suisse fort, évidemment… ils avaient un franc fort, ils ont eu un franc fort pendant des décennies, et cela a toujours été très bénéfique pour le pays, le pays le plus prospère d’Europe… Mais les nouveaux banquiers centraux suisses agissent comme des gestionnaires de hedge funds, ils pensent pouvoir manipuler l’économie… ils ont le plus gros bilan du monde en rapport avec le PIB… Le bilan de la banque centrale suisse représente plus de 85% du PIB de la Suisse… Aux États-Unis, c’est 25%.

 

Max Keiser : Alors pourquoi ne pas détenir de l’or ? L’or ne rapporte pas d'intérêt, vous payez des frais de stockage… mais si vous mettez votre cash à la banque, et qu’ils prennent 1% chaque année, pourquoi… oh, je vois que vous avez apporté de l’or… merci beaucoup ! C’est joli… ce sont des goldseeds (graines d’or)… on les plante dans le sol, et il poussera un arbre d’or ?

 

Egon von Greyerz : Non, mais elles vont croître en valeur !

 

Max Keiser : Oui, bien sûr ! Mais n’est-il pas plus judicieux d’investir son cash dans l’or au lieu de le mettre à la banque ? Si vous placez votre cash à la banque, qu’ils en prennent 1%, qu’ils le confisquent, en quelque sorte…

 

Egon von Greyerz : Oui, personne ne voudra plus mettre son argent à la banque et, donc, le monde ne peut pas fonctionner avec des taux négatifs d’intérêt, car vous n’obtenez pas de rendement. La monnaie a été détruite au cours des 100 dernières années… la papier-monnaie a perdu entre 97% et 99% de son pouvoir d’achat par rapport à l’or…

 

Max Keiser : … de son pouvoir d’achat… mais ils n’avaient jamais, en réalité, carrément volé de l’argent en instaurant ces taux négatifs. La banque ABS, en Suisse, impose même ces taux négatifs aux petits épargnants. Jusqu’à aujourd’hui seulement les gros clients étaient visés… donc, maintenant, cela est en train de s’étendre aux petits épargnants…

 

Egon von Greyerz : Oui, les gros clients ont été les premières victimes, et maintenant les plus petits sont affectés. Absolument. Il n’y a donc plus aucune raison de garder son argent à la banque, surtout que cette monnaie est en train d’être détruite par la création de crédit et l’impression monétaire. 

 

Max Keiser : Qu’en est-il de ceux qui bénéficient de la bulle immobilière grâce aux faibles taux ? Vous avez mentionné que les taux hypothécaires baissaient à mesure que les prix de l'immobilier grimpaient… Cela constitue-t-il un refuge pour les épargnes ? Est-ce une bonne option ?

 

Egon von Greyerz : Malheureusement, les gens ne savent pas ce qu’ils font, parce qu’ils paient… en Suisse, en Autriche, vous pouvez obtenir une hypothèque sur vingt ans à seulement 1,25%… une hypothèque sur vingt ans, cela ne coûte presque rien. Les gens ne s’inquiètent plus du coût annuel… Mais, par contre, les prix de l'immobilier explosent à la hausse, et c’est ce qui crée cette grosse bulle immobilière dans plusieurs pays d’Europe.

 

Max Keiser : Quand vient le moment de vendre, pour obtenir du cash, plus personne ne fait d’offre d’achat.

 

Egon von Greyerz : Non, il n’y a plus d’acheteur… et plusieurs personnes perdront leur emploi, si les choses se passent comme je l’entrevois… et si vous n’avez pas d’emploi, vous ne pouvez payer votre hypothèque.

 

Max Keiser : L’immobilier est une classe d’actif à part, car ce n’est pas liquide… ce n’est pas équivalent au cash. 

 

Egon von Greyerz : Pas du tout… et vous voyez des bulles partout. Prenez Londres… à Londres, c’est là où l’immobilier est le plus cher. Vous pouvez payer 200 000 000 $, 250 000 000 $, pour une propriété… et vous pouvez vous acheter un tableau – un autre actif pour les riches – comme un Picasso ou un Gauguin pour 250 000 000 $... alors, pour un demi-milliard de dollars, vous avez un appartement et un tableau à accrocher. C’est ce qui arrive dans le monde aujourd’hui : l’impression monétaire a créé une énorme richesse pour 1% ou moins de la population… quant aux autres, il ne leur reste que de la dette qui ne sera jamais remboursée. 

 

Max Keiser : Le gouvernement chinois se débarrasse de ses bons du Trésor américain et achète beaucoup d’or, la Russie achète beaucoup d’or…

 

Egon von Greyerz : et se débarrasse aussi de ses bons du Trésor américain…

 

Max Keiser : Parlez-nous de cette tendance… cela prendra-t-il de l’ampleur, selon vous ?

 

Egon von Greyerz : Ce sera certainement mondial… tout ce que les gouvernements savent, c’est que le dollar américain sera la prochaine devise à perdre sa valeur. Vous ne pouvez pas à la fois être la devise de réserve mondiale et être le pays le plus endetté au monde… et quand vous n’avez pas enregistré d’excédent budgétaire depuis le début des années 1960, ni d’excédent commercial depuis les années 1970… Donc, le dollar va – et très bientôt, selon moi, dans les mois à venir – se mettre à décliner de manière dramatique. 

 

Max Keiser : Le fait que le dollar est, depuis longtemps, comme plusieurs personnes l’ont dit ici, lié au Pentagone… il semble que nous arrivons au « pic du Pentagone », si vous voyez ce que je veux dire…

 

Egon von Greyerz : Absolument. Ce que nous voyons, en ce moment, en Syrie, est extrêmement intéressant, politiquement. 

 

Max Keiser : Cela ne s’annonce pas bien pour le dollar…

 

Egon von Greyerz : L’or va refléter toute cette impression monétaire, et ce qui arrivera au dollar… Cet or, ici, ce sont des pièces d’un gramme qui valent 40 $.

 

Max Keiser : Merci beaucoup Egon ! 

 

Egon von Greyerz : Ces pièces valent 400 $ en monnaie d’aujourd’hui… mais elles vaudront plusieurs millions en monnaie future… ces pièces préserveront votre richesse alors que la papier-monnaie ne préservera jamais votre richesse, c’est certain.

 

Max Keiser : D’accord, je les garde ! Merci d’être venu dans le Keiser Report !

 

Egon von Greyerz : Merci à vous…

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