En 2016, la Chine aura acheté plus d’actifs dans le monde que les États-Unis, avec 200 milliards de dollars contre 180 pour la première puissance économique. C’est la progression qui impressionne également, avec un doublement par rapport à l’année 2015 (105 milliards de dollars). Les hommes d’affaires chinois investissent tous azimuts, dans les hydrocarbures en Russie, les minerais en Afrique, les clubs de football en Italie (Inter Milan), les aéroports en France (Toulouse)…
Cette appétence pour les actifs réels ne concerne pas seulement la Chine, et pas seulement les investisseurs privés, mais aussi les banques centrales des pays émergents exportateurs, qui gèrent 10.000 milliards de dollars de réserves de change (provenant de leurs excédents de balance commerciale), et les fonds souverains, qui pèsent 11.000 milliards de dollars. Deux raisons fondamentales expliquent cette évolution : d’une part les pays pétroliers doivent préparer "l’après-pétrole" et trouver d’autres relais de croissance (Norvège, Émirats, Qatar, et maintenant Arabie Saoudite), et d’autre part, les obligations souveraines, leur principal placement jusqu’ici, ne rapportent plus rien avec la généralisation des taux zéro et des taux négatifs.
On assiste donc à un mouvement de vente des obligations souveraines américaines et européennes par les pays émergents et pétroliers, et à une réorientation vers les secteurs de l’énergie, de l’industrie, des infrastructures, de l’immobilier. Cette tendance "va s’amplifier dans le futur", selon Patrick Artus. Les masses en jeu sont énormes : ces 21.000 milliards de dollars de réserves de change et de fonds souverains représentent la moitié de l’encours des dettes publiques des pays de l’OCDE. D’ailleurs ces ventes d’obligations souveraines font remonter les taux d’intérêt à long terme sur la dette américaine, mais pas dans la zone euro, en raison du Quantitative Easing de la Banque centrale européenne (80 milliards d’euros par mois). Etant donné qu’une forte remontée des taux longs mettrait en péril le système financier, voilà qui va encourager les banques centrales à continuer leurs politiques laxistes…
Au-delà de ces raisons d’ordre économique, on ne peut s’empêcher d’y voir également un début de fuite devant la monnaie. D’ailleurs ces pays (Chine, Moyen-Orient) sont justement de gros acheteurs d’or, au niveau de la population et/ou de leurs banques centrales. L’or est l’actif réel par excellence, comme nous l’avons dit, mais il ne peut suffire à absorber toute cette masse considérable d’argent, et ces pays doivent en outre diversifier leurs investissements. Quoi qu’il en soit, les grandes monnaies internationales (dollar, euro, yen) n’inspirent plus confiance avec des rendements quasi nuls pour leurs dettes souveraines et une valeur remise en cause par des taux directeurs à zéro et des Quantitative Easing à répétition (sauf aux États-Unis pour l’instant).
De la même façon qu’un particulier avec beaucoup de cash n’en retire aucun rendement, et de plus s’expose à des risques de ponction en cas de crise financière (directive BRRD et loi Sapin 2 pour l’assurance-vie), les grands détenteurs de liquidités (banques centrales de pays exportateurs, fonds souverains) comprennent qu’ils détiennent un cadeau empoisonné. La fuite devant la monnaie commence, sans précipitation pour l’instant, les prix des actifs réels vont encore monter, avec sans doute des bulles (pas encore sur l’or, profitez-en), mais toute accélération dans ce domaine peut mettre l’ensemble du système financier sous une pression destructrice.
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