Après avoir parlé de la dette publique française dans notre dernier article, il faut aborder la dette privée, celle des ménages et des entreprises, car "l'emballement du crédit inquiète les autorités" (Les Echos). En effet, les crédits accordés par les banques ont augmenté en moyenne de 6%, alors que l'économie, elle, a crû de 1,5%. "Ce qui nous frappe, c'est la croissance de tous les types de prêts : immobilier, consommation, entreprises" observe un expert cité par le quotidien économique.
Le Haut Conseil de Stabilité Financière, qui s’est réuni le 18 mars sous la présidence du ministre de l’économie Bruno Le Maire, a décidé de doubler le matelas de fonds propres des banques (de 0,25% des actifs pondérés à 0,5%), afin de freiner cet envol du crédit.
La France évolue à contre-courant des autres pays de la zone euro, ce qui ne peut manquer de surprendre et d’inquiéter : l'endettement des ménages augmente et atteint 59,2% du PIB, tandis que celui des entreprises s’affiche à 74,1% du PIB. Ces deux chiffres records sont en croissance, alors qu’ils reculent dans la zone euro. Ils représentent un endettement total de 133,3% du PIB (Banque de France). Celle de l’État étant de 99,8% du PIB, on le rappelle, la dette totale de la France se monte à 233,1% du PIB ! La dette brute des entreprises françaises (crédits bancaires + obligations) atteint un record, dépassant pour la première fois 4000 milliards d'euros, soit 175% du PIB, selon Standard & Poors. Un retournement conjoncturel mettrait en grande difficulté l’État, les entreprises et les ménages.
Selon le quotidien, cette dynamique s'explique par les taux d’intérêt historiquement bas de la Banque Centrale Européenne. Cette raison nous semble insuffisante : dans ce cas, pourquoi la France fait-elle cavalier seul ? Et puis, si la politique "d’assouplissement quantitatif" de la BCE marchait (ce serait bien la première fois !), cette hausse des crédits se traduirait aussi par de la croissance économique, or celle-ci reste en berne.
Si les entreprises augmentent leur endettement sans pour autant faire progresser leur chiffre d’affaires et leur valeur ajoutée (donc le PIB), cela signifie qu’elles compensent de cette façon un défaut de compétitivité vis-à-vis de leurs concurrents internationaux. On connaît les causes de ce désavantage (coût du travail, poids des impôts sur la production, bureaucratie) et rien n’indique malheureusement une amélioration à venir. La dette (crédit bancaire ou obligations), qui coûte peu en ce moment, permet de rattraper cet écart, mais elle fragilise dangereusement les bilans.
Les ménages, eux, ayant une confiance limitée dans le système des retraites par répartition, en perpétuelle réforme, et constatant la chute des rendements de l’assurance-vie, basculent vers l’immobilier. Mais eux aussi fragilisent leur situation financière avec le poids des remboursements (les taux baissent, certes, mais les prix de l’immobilier augmentent) et avec une durée de prêts immobiliers qui s'allonge fortement (19 ans en moyenne). L’augmentation du crédit à la consommation cherche à compenser la baisse du pouvoir d’achat, mais cela n’a rien de sain.
La France devient addict à la dette, non seulement l’État mais aussi les entreprises comme les ménages, et cela ne peut qu’inquiéter quand la croissance reste atone. Une remontée des taux, une nouvelle crise financière, ou une crise franco-française (émeutes, blocages, paralysie institutionnelle), qui n’est désormais plus à écarter, auraient des conséquences dévastatrices.
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