Il est amusant de voir les médias, les éditorialistes, les économistes, considérer que l'Allemagne l'a emporté face à la Grèce, qu'elle a su imposer ses conditions, que le plan d'austérité "très sévère" porte sa marque. Rien de plus faux : la Grèce gagne sur toute la ligne puisqu'elle empoche 80 milliards d'euros contre des promesses qui n'impressionnent que ceux qui y croient.
En effet, il faut bien se rendre compte que les promesses faites par Alexis Tsipras (TVA à 23%, régime de retraite moins favorable, libéralisation des professions fermées, lutte contre la fraude fiscale, organisme statistique indépendant) sont les mêmes que celles formulées par George Papandréou lors du premier plan d'aide d'avril 2010 ! Même la mise en place d'un fonds alimenté par le produit des privatisations avait été évoquée à l’époque, et le chiffre de 50 milliards d’euros apparaît exagérément optimiste. Ces engagements valent moins que le papier sur lequel ils ont été écrits.
Tsipras a parfaitement su jouer de la dissuasion du faible au fort, avec dans son jeu un joker : la sortie de la zone euro. Son pays n'y était absolument pas prêt bien sûr, et un tel scénario se serait traduit par un effondrement de l'économie. Mais à Bruxelles et dans les grandes capitales européennes, à Berlin notamment, le Grexit signifiait aussi un saut dans l'inconnu. Avec des pertes comptables d'abord (320 milliards de dettes + 90 de liquidités d'urgence pour les banques grecques apportés par la BCE), mais aussi liées à Target2, le système de compensation entre les banques centrales de l'eurozone (la banque centrale grecque a une centaine milliards d'euros de dette envers ses congénères). Et puis il y a les CDS, les assurances contre le défaut d'un emprunteur, qui se déclencheraient si la Grèce faisait défaut, mais avec quelles conséquences ? Le marché n'est pas réglementé, on ne sait pas qui en vend, qui en détient. Si la faillite grecque fait sauter la Deutsche Bank, ça fait désordre.
Surtout, ce que démontre le psychodrame grec, c'est l'impossibilité pour l'Europe de trouver une solution en cas de crise monétaire, liée à la dette publique ou à une autre cause. La sortie de l'euro ne figure pas au programme, trop d’inconnues pèsent sur elle. Des solutions médianes comme la double circulation monétaire (réintroduire la drachme tout en laissant l’euro circuler au libre choix des acteurs économiques) ne sont mêmes pas évoquées. Reste alors comme seul échappatoire celui de verser encore plus d'argent (et si les états ne le peuvent plus, la BCE y pourvoira), ce qui ne fait que reculer les échéances. La Grèce a gagné trois ans, les pays européens aussi. La dette grecque passe de 320 à 400 milliards, en attendant le prochain psychodrame.
Et il ne s'agit que de la Grèce... Lorsque viendra le tour de l'Italie, de l'Espagne ou de la France, les carences de l'euro comme monnaie ne pourront plus être masquées par des plans d'aide. L’incapacité à élaborer une solution viable éclatera au grand jour, l’échec de la gouvernance monétaire sera patent et même la BCE sera débordée. La défiance touchera alors la monnaie elle-même, la crise sera d'une toute autre ampleur. Le citoyen européen, qu’il soit salarié, entrepreneur, épargnant, peut vraiment s’inquiéter.
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