Les banques françaises viennent de publier leurs résultats pour le deuxième trimestre : les médias les qualifient globalement de "bons". Ils ne semblent pas très regardants. Nous avons dit ce qu'il fallait en penser sur le fond dans un article de décembre 2017 intitulé "Les banques françaises sont nettement plus dangereuses que les banques américaines".

Mais nous voudrions ici insister sur les créances douteuses, ces prêts qui ne seront pas ou très mal remboursés, et qui constituent une bombe à retardement dans les bilans des banques. Selon l'économiste Jean-Pierre Chevallier, BNP Paribas a tendance à en sous-estimer le poids. Se basant sur des documents comptables inédits, celui-ci estime qu'aux 39,902 milliards de "NPL" (Non Performing Loans, Prêts non performants) reconnus par la banque, il faut rajouter 13,929 milliards d'euros de pertes potentielles sur des crédits réputés sains, ce qui fait un total de 53,831 milliards d'euros, soit tout de même 7,4% du total des prêts. Cela commence à devenir vraiment alarmant. En outre, en recalculant l'effet de levier de la banque, on arrive à 35,45 (c'est-à-dire 1 euro de cash pour 35 euros d'engagements), un ratio démentiel (celui de Lehman Brothers était à 32 lors de sa retentissante faillite le 15 septembre 2008).

Cette situation inquiétante n'est pas isolée, et elle a même tendance à se dégrader comme l'explique L'Agefi. En effet, les banques françaises sont sous la pression des taux bas qui compriment leur marge nette d'intérêt (différence entre le taux auquel la banque prête et celui auquel elle se refinance). Et le quotidien économique constate qu'elles compensent cet écrasement des marges par une hausse du volume des crédits : chez BNP Paribas ils augmentent de 5,8% lors du deuxième trimestre, chez LCL de 10% pour les crédits aux entreprises, à la Banque Postale de 33,8% (!) pour les entreprises (et +2,5% pour les particuliers), BPCE et Société Générale demeurant, eux, en retrait. Comment expliquer une telle hausse des crédits aux entreprises alors que la croissance du PIB demeure atone ? À l'évidence, il existe pour les banques françaises un vrai risque d'accorder trop facilement des crédits et, donc, de se retrouver d'ici peu avec une augmentation des créances douteuses...

Accessoirement, on notera que les banques compensent aussi cet écrasement de la marge d'intérêt par une hausse des commissions ; elles représentent ainsi 42% des revenus de la banque de détail à la Société Générale, plus de la moitié dans les caisses régionales du Crédit Agricole ! Les banques de réseau sont autant des collecteurs de taxes que des distributeurs de crédits... Mais voilà qui les expose à la concurrence des néo-banques lorsque les gens en auront ras-le-bol de payer autant de frais bancaires.

Bref, ce qui constituait jusqu'ici une inquiétude pour l'Italie, l'Espagne, le Portugal, et bien sûr, la Grèce, menace de le devenir pour la France. Les créances douteuses, et le risque qu'elles font peser sur le système bancaire, voici un nouveau danger à sérieusement prendre en compte.

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