La chute du Nikkei de 7% jeudi dernier, et la façon dont elle s’est produite, semble laisser entrevoir comment se déroulera la prochaine crise. On le sait, un krach est toujours précédé de signes annonciateurs : la crise des subprimes a éclaté le 15 septembre 2008 avec la faillite de Lehman Brothers, mais les premières alertes sont apparues dès le printemps 2007 (faillite de New Century Financial et de plusieurs sociétés de prêts hypothécaires).
Le Japon est en avance sur l’Europe et les Etats-Unis, parce qu’il est en crise depuis plus longtemps (l’éclatement de la bulle boursière et immobilière date de 1990), et qu’il utilise les mêmes méthodes pour essayer de s’en sortir (la dette et la planche à billets). Ca ne marche pas bien sûr, mais le nouveau premier ministre élu depuis le 26 décembre 2012, Shinzo Abe, a décidé de s’obstiner et d’accélérer la cadence !
Mais Shinzo Abe en a fait "trop", et voici l’enchainement de la crise : les actions montent, mais à un rythme irréaliste (+ 50% entre janvier et fin avril !). L’argent "gratuit" distribué par la banque centrale est placé par les banques sur le Nikkei, façon rapide de faire des bénéfices. Une partie de ceux qui détiennent des obligations d’Etat veulent participer à la fête et les vendent pour aller en bourse. Résultat, le cours des obligations baisse, et donc leur rendement augmente (le coupon que rapporte l'obligation, qui est fixe, devient proportionnellement plus important par rapport à la valeur moins élevée de l’obligation sur le marché). Mais la baisse du cours des obligations met en péril les assureurs et les banques japonaises qui se sont gavées de ces emprunts publics, elle les expose à des pertes abyssales. D’autre part, la hausse des rendements obligerait Tokyo à augmenter les taux d’intérêt auxquels il se refinance, ce qui est impossible parce que la charge des intérêts de la dette publique capte déjà presque la moitié des recettes fiscales ! Conséquence, la banque centrale intervient en catastrophe pour acheter des obligations et faire retomber la tension. Dans ce contexte de surchauffe, une mauvaise nouvelle arrive (faiblesse de la croissance en Chine, mais ça aurait pu être autre chose) et le Nikkei dévisse de 7%. Depuis les choses évoluent en dents de scie, mais en quatre mois le mirage Abe semble s’être déjà dissipé.
Et on rajoute à ce tableau une chute du yen (en recul de 16% par rapport au dollar depuis le début de l’année !) qui provoque un timide rebond des exportations, mais surtout un renchérissement des importations, c'est-à-dire une pression inflationniste, qui si elle se confirme ferait baisser le cours des obligations et obligerait l’Etat à augmenter ses taux d’intérêt pour se refinancer…
Voici la crise à laquelle nous pourrions être confrontés, mais à une échelle plus vaste et avec une perte de contrôle de la situation de la part des autorités. La mise en place d’une connexion, et d’un déséquilibre, entre les marchés obligataire et boursier, qui sont tous les deux en état de bulle, donc très instables, puis une fuite en avant de la banque centrale, une chute de la monnaie, le retour de l’inflation. Il faut suivre de près ce que va faire l’apprenti sorcier actuellement au pouvoir au Japon…
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