La Banque Centrale Européenne (BCE) compte, parmi ses missions, la supervision bancaire, qui porte le nom de "mécanisme de surveillance unique" (MSU), c’est-à-dire la surveillance de la situation financière des banques de l’Union Européenne. Elle vient justement de publier ses priorités pour 2016 et plusieurs éléments inquiétants sont à relever. La BCE signale ainsi que les "modèles d’activité" et la "rentabilité des banques" sont "tous deux remis en cause par le niveau élevé des dépréciations d’actifs et la période prolongée de faibles taux d’intérêt."

Ainsi, d’une part, les bilans bancaires sont loin d’être assainis : "Des niveaux élevés de créances douteuses requièrent une attention prudentielle renforcée. La détérioration de la qualité de crédit des prêts aux entreprises et/ou aux ménages ainsi que de leurs conditions d’octroi est une préoccupation dans plusieurs pays du MSU, particulièrement ceux qui ont le plus souffert de la crise." Ces pays sont bien sûr ceux d’Europe du Sud. Et ces créances douteuses concernent en grande partie le secteur immobilier, un secteur propice aux retournements de prix et aux défauts en cascade.

D’autre part, il faut rajouter à ces dépréciations d’actifs une courbe des taux proches de zéro, une "période prolongée de faibles taux d’intérêt". Comme nous l’avons déjà expliqué, les banques gagnent de l’argent en collectant l’épargne et en prêtant aux entreprises et aux particuliers, c’est leur fonction d’intermédiation. Mais avec une courbe des taux plate et proche de zéro, il devient difficile de rémunérer l’épargne ainsi que de prêter aux entreprises à des taux significatifs ! La rentabilité est écrasée.

La BCE s’inquiète de savoir comment les banques vont, malgré tout, dégager des bénéfices, notamment en prenant plus de risques : "la supervision consistera particulièrement en un examen des sources de la rentabilité : provient-elle, notamment, d’un abaissement des critères d’octroi des crédits, d’un recours élargi aux financements à court terme ou d’une hausse des expositions aux risques ne correspondant pas à l’appétence pour le risque signalée par la banque ?" D’autant que la BCE émet de sérieux doutes sur les dirigeants des banques : "l’expérience de la crise financière a montré que les organes de direction des banques ne disposaient pas toujours des informations relatives aux risques indispensables à la prise de bonnes décisions opérationnelles et de gestion des risques." Nous voilà rassurés…

Le comique de l’affaire, si l’on peut dire, c’est que la BCE déplore… ce dont elle est responsable. En effet, c’est elle qui détermine la politique monétaire (donc les taux zéro) et qui constate, à travers sa mission de supervision bancaire, que cela dégrade la rentabilité des banques. Voici typiquement ce que l’on appelle un conflit d’intérêt. Plusieurs responsables européens avaient plaidé pour confier la surveillance des banques à une instance indépendante, mais ils n’ont malheureusement pas obtenu gain de cause. La BCE doit donc arbitrer entre deux missions qui peuvent se heurter de front, et c’est le cas depuis qu’elle a engagé sa politique d’assouplissement quantitatif, de taux zéro et de planche à billets. Lorsque l’on cautionne un conflit d’intérêt, on ne fait que poser la chape de plomb, mais quand la crise se produit, l’explosion n’en est que plus violente.

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