Le Comité de Bâle est chargé d’édicter les normes de solvabilité du système bancaire, le dernier accord datant de 2010 avec "Bâle III". Il est piloté par la Banque des Règlements Internationaux (BRI), la "banque centrale des banques centrales", qui cherche à améliorer en permanence cette réglementation afin d’éviter un krach bancaire généralisé. Sa dernière intervention ne va pas forcément nous rassurer.
En effet, dans une étude qui vient de paraître, la BRI s’est penchée sur les modèles de calcul des risques concernant le trading de produits dérivés. Elle a demandé à 19 grandes banques mondiales d’effectuer des simulations sur plusieurs produits dérivés (liés aux taux d’intérêt, aux devises, aux actions) suivant les deux méthodes les plus couramment utilisées (CVA pour credit valuation adjustment et IMM pour Internal Model Method). Problème, les résultats diffèrent grandement d’une banque à l’autre : la BRI note que les écarts évoluent dans une fourchette de 50% à 150% par rapport à la médiane observée ! Nous ne sommes plus au niveau de l’approximation, nous nageons en pleine confusion.
Cette marge d’erreur s’avère d’autant plus effrayante que les montants en jeu sont colossaux : le poids des produits dérivés dans le monde dépasse les 700.000 milliards de dollars (par comparaison, le PIB des Etats-Unis s’élève à 18.000 milliards de dollars, soit 40 fois moins). Et ces produits sont détenus essentiellement par les grandes banques, les 19 sur lesquelles s’est penchée la BRI. Une erreur de 1% poserait déjà un problème, alors plus 50… Les grands établissement financiers mondiaux possèdent des montants gigantesques de produits dérivés dont ils ne savent pas en calculer le risque, ne serait-ce que de façon approximative, voici ce que nous dit la BRI.
Les produits dérivés sont essentiellement négociés de gré à gré, et non pas sur un marché, ce qui apporterait de la transparence (sur les prix, la liquidité, la volatilité), il n’y a donc aucun espoir à attendre, jamais aucun modèle ne deviendra satisfaisant. C’est la logique même des produits dérivés qu’il faudrait interroger, pour une part utile puisqu’ils permettent de couvrir des risques réels, mais dont la dimension spéculative, au mépris des risques précisément, a pris le dessus. Ne rêvons pas, il faudra attendre une crise destructrice pour provoquer une remise en question.
Voici une raison de plus, s’il en fallait, de s’interroger sur la solidité des grandes banques, sur leur survie en cas de nouvelle crise grave, sur la sécurité de l’argent qu’on y place. Il y a vraiment de quoi avoir peur. Plus généralement, on se demande quelle industrie dans le monde pourrait survivre avec des processus de mesure aussi grossiers, une compréhension des enjeux aussi fumeuse, une prise de risque aussi démesurée. Vraiment, la grande finance constitue un cas à part.
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