Notre monde financier tourne tellement de travers que même la Suisse commence à glisser sur une mauvaise pente. Les dettes publiques et privées sur la planète ne cessent d’augmenter, les taux négatifs se généralisent, tout comme les planches à billets, les devises deviennent de plus en plus volatiles, et dans ce tableau angoissant et incertain, un pays à l’économie saine (parce que libre et peu imposée), qui a toujours bénéficié d’une excellente réputation et dont les comptes publics sont en équilibre, est affecté comme les autres, par contagion. Il ne peut plus rester dans sa tour d’ivoire et connaît d’inquiétants déséquilibres.
Longtemps la Suisse, avec ses banques et sa monnaie, fut considérée comme le meilleur coffre-fort, mais ce temps est passé, et d’autres déconvenues risquent de survenir. Il y a d’abord eu la fin du secret bancaire : il s’agissait de lutter contre l’argent sale ou provenant de l’évasion fiscale. Mais derrière cet objectif affiché, on a surtout assisté à une reprise en main de la finance anglo-saxonne sur les banques suisses, en effet le droit anglo-saxon permet la création de sociétés avec des prête-noms (les nominee), ce qui permet ainsi facilement de cacher un magot, et d’ailleurs les États-Unis comptent sur leur territoire un paradis fiscal, le Delaware. L’argent sale a simplement changé d’endroit.
Une autre menace pèse sur la Suisse, elle résulte paradoxalement de sa santé et de son attractivité : les capitaux sont attirés par la bonne tenue du franc suisse et, plus globalement, par une économie très saine ainsi qu’un droit de propriété solidement établi. En conséquence la devise suisse a tendance à s’apprécier, ce que cherche à contrecarrer la Banque nationale (BNS) Suisse afin d’éviter que les entreprises exportatrices ne soient pénalisées par une devise trop forte.
On se rappelle que la BNS avait longtemps maintenu le plancher de 1,20 euro, avant finalement d’y renoncer le 15 janvier 2015 à la surprise générale, provoquant une envolée de son cours. Mais depuis cette date, le franc suisse ne flotte pas librement, la BNS cherche à maintenir un taux de change relativement stable, au prix d’une accumulation considérable de réserves de change. Le bilan de la BNS continue de croître à des niveaux rarement atteints sur la planète : plus de 500 milliards de francs suisses, soit 80% du PIB de la confédération ! C’est "seulement" 35% pour la BCE (par rapport au PIB des pays de la zone euro).
Ces déséquilibres se retrouvent également dans l’endettement des ménages (125% du PIB) et des entreprises (85% du PIB), ainsi que dans des banques de taille considérable (500% du PIB !), il s’agit essentiellement d’UBS et du Crédit Suisse. Voici des chiffres qui, tout d’un coup, font peur, à juste raison. Une crise affectant l’une des deux grandes banques pourrait sérieusement déstabiliser la confédération.
La Suisse reste un très bon coffre-fort, mais pour l’or physique, ou les œuvres d’art. Sa monnaie et ses grandes banques ont un destin bien plus incertain. La contagion de la mauvaise finance n’épargne personne.
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