Par Steve Hank
Comment l’Iran, la Russie et la Turquie réagiront-ils à la pléthore de sanctions financières imposées par les États-Unis ? Comme le ferait quiconque frappé à coup de bâton : ils vont tenter de s'échapper.
Et il y a toujours une porte de sortie. C’est l'une des raisons pour lesquelles les sanctions sont des armes utilisées uniquement par les losers. En fait, mon bon ami, mentor et prix Nobel Robert "Bob" Mundell, a surnommé cette sortie "l’effet afghan". Suite à l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques, les États-Unis ont imposé un embargo sur les exportations de céréales vers l'U.R.S.S, en janvier 1980. Les fermiers américains étaient alors interdits de vendre des céréales aux Soviétiques, qui avaient un énorme déficit céréalier. Le président Jimmy Carter, suivant les mauvais conseils de son conseiller à la sécurité nationale, Zbigniew Brzezinski, a utilisé les céréales comme arme.
Comme réponse, les Soviétiques ont cherché une issue. Ils en trouvèrent une en Argentine. Les Argentins étaient très contents de s'entendre avec les Soviétiques. Les fermiers argentins purent vendre de grandes quantités de céréales, les Soviétiques obtinrent un bon prix, et les fermiers américains se retrouvèrent laissés pour compte. La cerise sur le gâteau ("l’effet afghan" de Bob Mundell) : la junte militaire au pouvoir en Argentine s'est vu offrir d'énormes bénéfices sur un plateau d’argent.
Cela m’amène à l’arme favorite du moment : les sanctions financières. À chaque jour qui passe, le Trésor américain déploie, ou menace d’imposer, de nouvelles sanctions. Nous sommes tous au courant des sanctions qui frappent l’Iran. Récemment, des sanctions ont été infligées à la Turquie, sous prétexte qu’elle détient un pasteur américain accusé d'espionnage. Quant à la Russie, les nouvelles sanctions américaines sont une affaire quasi-quotidienne.
Le poids des sanctions a clairement eu un impact négatif sur le rial iranien, le rouble russe et la lire turque. Il faut dire que, même lorsque tout va bien, ces devises rencontrent toujours des difficultés. Elles sont toutes vulnérables aux sanctions. Cette vulnérabilité devrait être considérée comme une menace pour la sécurité nationale.
Alors, comment l’Iran, la Russie et la Turquie peuvent-ils échapper aux sanctions ? Elles pourraient adosser leurs devises à l'or. Cela offrirait une porte de sortie intéressante. L’or est déjà une monnaie internationale qui conserve son pouvoir d’achat à long terme. C’est aussi une monnaie qui n’est pas émise par un État souverain. Elle n’a donc pas de lourd bagage politique à porter. De plus, l’or est déjà largement apprécié et utilisé en Iran, en Russie et en Turquie.
En 1997, Bob Mundell avait prédit que "l’or fera partie de la structure du système monétaire international au XXIe siècle". Comme ce fut souvent le cas, cette prédiction de Mundell pourrait bien s’avérer correcte. Effectivement, L’Iran, la Russie et la Turquie pourraient faire de cette prédiction une réalité. Une façon infaillible d'y parvenir est d'utiliser des caisses d’émission basées sur l'or. Les caisses d’émission ont existé dans plus de 70 pays, et un certain nombre fonctionnent encore aujourd’hui. Les pays dotés de telles institutions monétaires ont connu une plus grande discipline budgétaire, une stabilité des prix supérieure, et des taux de croissance plus élevés que les pays comparables fonctionnant avec des banques centrales.
Une caisse d'émission est une institution monétaire qui émet uniquement des billets et des pièces. Ces passifs monétaires sont librement convertibles en une monnaie de réserve (aussi appelée monnaie d’ancrage) à un taux fixe sur demande. La monnaie d’ancrage est une devise étrangère convertible ou une matière première choisie pour sa stabilité. Comme réserves, la caisse d’émission détient des titres à faible risque productifs d'intérêts et d’autres actifs payables dans la monnaie de réserve.
Selon la loi, une caisse d’émission doit maintenir un taux de change fixe avec la monnaie de réserve et détenir des réserves étrangères à hauteur de 100% de la base monétaire. Cela empêche la caisse d’émission d'augmenter ou de diminuer la base monétaire à sa seule discrétion. Un système de caisse d’émission est passif et se caractérise par son automaticité.
Des caisses d’émission ont existé dans environ 70 pays. La première fut crée à l’Île Maurice, une colonie britannique de l’Océan indien, en 1849. Aucune n’a échoué. Le système de convertibilité de l'Argentine (1991-2001) n'était pas une caisse d'émission.
Parmi les réussites se trouve la National Emission Caisse, établie dans le nord de la Russie en 1918, durant la guerre civile russe. La Caisse a émis des billets en "roubles britanniques", adossés à la livre sterling et convertibles en livres à taux fixe. Le père du "British ruble" n'était autre que John Maynard Keynes, fonctionnaire du Trésor britannique à l’époque.
Malgré la guerre civile, le rouble britannique n'a jamais dévié de son taux de change fixe avec la livre sterling. Contrairement aux roubles russes, le rouble britannique constituait une réserve de valeur fiable. Naturellement, le rouble britannique a chassé les autres roubles de la circulation. Malheureusement, sa vie a été brève: la National Emission Caisse cessa ses opérations en 1920, après le retrait des troupes alliées de Russie.
La "grande évasion" des sanctions financières américaines pour l’Iran, la Russie et la Turquie serait d'établir des caisses d'émission adossées à l'or. Ce faisant, le rial, le rouble et la lire deviendraient littéralement "aussi bons que l'or". Et, du jour au lendemain, un bloc-or important serait établi. Mon Dieu !
Source originale: Forbes
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