Il y a longtemps que l’on n’avait pas vu ce genre d’articles, plusieurs mois certainement, mais tout d’un coup ils arrivent en rafale, du Wall Street Journal au Figaro qui, pour ce dernier, s’interroge : "L'or, de moins en moins valeur refuge ?". S’appuyant sur le fait que la crise grecque n’a pas provoqué d’envolée des cours, nombre d’éditorialistes reviennent à la charge pour nous expliquer que l’or ne constitue plus une valeur refuge. Si les choses étaient aussi simples ! Signalons simplement qu’un Grexit ne signifiait aucunement un risque d’éclatement de la zone euro, il n’y avait donc aucune raison que l’or se mette à grimper.
Mais la principale raison avancée pour justifier l’actuelle atonie du cours de l’or est la prochaine remontée des taux d’intérêts aux Etats-Unis. Effectivement, une hausse significative des taux américains obérerait sérieusement les marges de progression du métal précieux. À condition de croire cela possible, à condition de croire Janet Yellen capable de le faire, à condition de croire que la dette publique de l’Etat fédéral ne deviendrait pas alors parfaitement insoutenable… Mais tant que l’immense majorité des investisseurs croit à la reprise économique et à une remontée du taux directeur de la Fed, il y a peu de chance que le cours de l’or progresse.
En fait tout dépend de la crédibilité des grandes banques centrales. Celle-ci est réelle parmi la large majorité des investisseurs et des épargnants, seule une minorité doute de la réalité de la reprise américaine et s’inquiète des plans de Quantitative easing (QE), il n’y a donc pas de raison qu’un mouvement de fond se porte sur l’or comme "valeur refuge".
En regardant le cours de l’or sur ces dernières années, on constate qu’il se situe aujourd’hui à peu près au même niveau que juste avant la crise de septembre 2008 : 924 dollars l’once en janvier 2008, 1106 en juillet 2015 (quasiment la même chose si on tient compte de l’inflation). On peut expliquer la hausse de la période 2000-2008 (283 dollars l’once en janvier 2000) par la baisse des taux d’intérêt enclenchée par la Fed après le krach de la bulle Internet en 2000 et les attentats du 11 septembre 2001, puis la continuation de la hausse après 2008 par des craintes d’ordre systémiques (notamment le risque d’explosion de l’euro en 2011 avant que la BCE n’ouvre les vannes de la liquidité avec les LTRO). Au tournant des années 2011-2012, les banques centrales en Europe et aux Etats-Unis prennent le dessus en termes de communication ("regardez, il n’y a pas eu de crise", "regardez, la reprise est là"), les opinions et les décideurs économiques se rassurent, le cours de l’or se met à refluer.
En 2013 Shinzo Abe accélère encore les plans de QE de la Banque du Japon, début 2015 la BCE lance le sien, bientôt suivie par la Banque de Chine… mais la très large majorité des investisseurs, des économistes, des médias, des gouvernements à travers le monde, approuvent cette politique et lui accordent toute leur confiance, il n’y a donc pas de raison que "l’or, valeur refuge" se mette à monter. Seule une minorité en achète aujourd’hui, ceux qui ne croient pas ces bonimenteurs.
Nous pensons donc que c’est uniquement lorsque les banques centrales commenceront à perdre le contrôle de la situation qu’il se passera quelque chose sur le cours de l’or. Avec toutes ces liquidités injectées sur fond de croissance anémique, cela pourrait ne pas tarder. Nous verrons bien, mais quoi qu’il en soit, nous gardons jalousement notre or !
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