La Banque centrale européenne (BCE) cherche désespérément à ce que l’inflation atteigne 2%, sans y parvenir. Mais au fait, pourquoi 2% et pas 0% puisqu’elle a pour objectif d’assurer la stabilité des prix ? Car 2% par an, cela ne semble pas grand-chose, mais c’est tout de même un doublement des prix sur 35 ans. En fait la BCE ne vise pas 0% parce qu’elle craint comme la peste la déflation, avec 2% elle se donne une marge de sécurité.

Faisons une parenthèse : la déflation est-elle vraiment à craindre ? Il est normal que le progrès technique et la concurrence fassent baisser les prix, leur recul devrait être la norme, au moins dans les secteurs technologiques et ceux incorporant une part importante de technologie. Mais la déflation est mortelle pour ceux qui sont très endettés (les États) car à ce moment-là leurs revenus baissent (les recettes de TVA diminuent si les prix reculent) quand le montant de leur dette reste constant, et c’est l’étranglement. L’inflation permet au contraire d’alléger cette charge, voici la vraie raison. Fin de la parenthèse.

L’inflation, mesurée par l’INSEE et les organismes statistiques européens, demeure pourtant actuellement plus proche de 0% que de 2%, mais cela correspond-il à la réalité ? Pas vraiment si l’on interroge ses proches, ou si on regarde son budget. Pourquoi une telle distorsion ? En grande partie parce que le "panier de la ménagère" de l’indice des prix à la consommation ne comptabilise le logement qu’à hauteur de 6% seulement. L’INSEE ne prend en compte que les loyers et considère que l’acquisition d’un bien immobilier constitue un investissement et qu’il n’a donc pas à figurer dans l’indice. Un raisonnement un peu spécieux car il s’agit autant d’une consommation que d’un investissement, et qu’en outre il ne rapporte rien, contrairement à un placement, mais coûte en dépenses diverses. Et s’il constitue un capital, sa hausse ne rapporte rien si on déménage dans sa ville ou une autre métropole puisque les prix augmentent partout. Les dépenses de logement sont plutôt de l’ordre de 20% du budget des ménages, comme l’admet l’INSEE dans d’autres études, ce qui change considérablement la donne, surtout depuis 2000 et la forte hausse des prix de l’immobilier en France et plus particulièrement dans les métropoles.

Cette sous-estimation est connue depuis longtemps, j’en avais parlé dans mon ouvrage "Pouvoir d’achat : le grand mensonge" (Eyrolles), mais l’INSEE reste dans sa tour d’ivoire et refuse de modifier son calcul. L’institut rend ainsi service à son autorité de tutelle, l’État, car minorer l’inflation lui permet de réaliser d’importantes économies étant donné que les rémunérations des fonctionnaires, les retraites et les prestations sociales sont indexées sur elle. Cela va peut-être changer car, coup sur coup, en septembre, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, et la présidente de la BCE, Christine Lagarde, ont officiellement demandé que le logement soit mieux pris en compte dans le calcul de l'inflation. Ce serait pour eux, enfin, le moyen d’atteindre ces fameux 2%.

À cette condition, l’indice des prix deviendrait plus réaliste, même s’il y a d’autres subterfuges pour le minorer comme l’effet qualité (votre smartphone préféré coûte plus cher que l’ancien, ce qui entame votre pouvoir d’achat, mais l’INSEE considère que "vous en avez plus pour votre argent" puisqu’il est plus puissant et il inscrit dans sa base un prix inférieur au prix affiché). «Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées» disait Winston Churchill.

Et ensuite ? Avec une planche à billets qui tourne à plein régime pour financer les déficits budgétaires des États qui explosent avec la crise du Covid, la BCE va encore alimenter… la bulle immobilière. En effet toutes ces liquidités se déversent, on le voit depuis 2000, dans les actifs financiers (actions, obligations, immobilier, œuvres d’art, voitures de collection), ce qui va renchérir le coût de la vie de ceux qui cherchent à en acquérir. Le pouvoir d’achat va continuer d’être rogné. Et pire encore si les prix se mettent vraiment à déraper en hyperinflation, ce qui n’est pas inconcevable, tant ce déluge de monnaie atteint des niveaux démentiels (le bilan de la BCE représente désormais les deux tiers du PIB de la zone euro, il a triplé depuis 2015).

Cependant, dans ce tableau plutôt sombre, il existe aussi deux actifs qui progressent, de façon saine, et qui gardent une grande marge d’appréciation, qui sont en outre facilement accessibles : le bitcoin et l’or physique. Et on ne peut pas les "imprimer" à volonté comme l’euro ou le dollar, pas de planche à billets avec eux ! Si on veut protéger son pouvoir d’achat dans le futur, on ferait bien d’y penser.

Source originale: Capital

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