La demande d’or

La demande d’or est passée de 3,200 tonnes en 2003 à 4,400 tonnes en 2013, et cela, même avec plus de 800 tonnes délestées du GLD en 2013 (cercle violet, ci-dessous) :

 

(Source)

 

Veuillez noter la ligne pointillée dans ce graphique : elle indique le niveau actuel de production minière. La demande mondiale est plus grande que la production minière depuis quelques années. D’où vient l’offre supplémentaire pour satisfaire cette demande ? Nous allons aborder le sujet, mais une réponse rapide serait : il fallait bien qu’elle vienne de quelque part, et ce quelque part est « l’Ouest ».

Nous assistons à un transfert historique et massif de l'or de l’Ouest vers l’Est, avec la Chine qui mène le bal avec ses achats.

La Chine

Alasdair McLeod (GoldMoney.com) a compilé les chiffres publics sur la demande cumulative d’or de la Chine qui, notamment, n’incluent pas ce que la People’s Bank of China a acheté. Et, à moins de croire que la PBoC achète maintenant son or sur le marché et à la vue de tous (ce qui serait très surprenant), il faudrait ajouter ces achats aux chiffres officiels.

En n’utilisant que les statistiques officielles disponibles, il est possible de calculer que la Chine, seulement en 2013, a eu une demande de 2,600 tonnes, ou 60% de la demande totale ou, comme nous allons le voir, presque toute la production minière mondiale d’or :

 

(Source)

 

La Chine a beaucoup d’argent à dépenser, elle a une relation confortable et durable avec l’or en tant qu’actif légitime à posséder, et elle doit se réjouir des attaques répétées sur les marchés occidentaux qui poussent le prix de l'or vers le bas, alors que la demande d'or a atteint des records en raison de ces baisses de prix.

Le risque est que la Chine arrête d’acheter autant d’or à l’avenir, pour toutes sortes de raisons.

Une de ces raisons pourrait être l'explosion de la bulle économique chinoise, et que les citoyens ne se sentent plus assez riches pour continuer d’acheter de l’or.

Le gouvernement chinois pourrait également changer de direction et décréter les achats d’or illégaux. Peut-être à cause d’une fuite de capitaux trop importante ou peut-être parcequ’il voudrait limiter les importations de produits considérés non essentiels.

Qui sait ?

Ce que je sais, c’est que la demande chinoise est incroyable et je m’attends à ce qu’elle persiste, voire qu’elle augmente.

L’Inde

En Inde, les citoyens, qui achètent de l’or régulièrement et depuis très longtemps, en ont acheté tellement, suite à la baisse des prix, que le gouvernement a dû imposer des contrôles sur la quantité d’or importée dans le pays, allant même jusqu’à interdire les importations pendant quelque temps :

 

(Source)

Les banques centrales

Un autre facteur contribuant à la demande a été la ré-émergence des banques centrales en tant qu’acheteurs net d’or. C’est vraiment quelque chose d’important. Ces dernières décennies, les banques centrales ont activement réduit leurs réserves d’or, préférant les actifs papier à la « relique barbare ». On sait que le Canada et la Suisse ont considérablement réduit leurs réserves officielles d’or durant cette période (jusqu’à zéro pour le Canada), une décision que plusieurs citoyens de ces pays contestent ouvertement et activement.

Le World Gold Council, basé au Royaume-Uni, est l’organisme principal qui collecte et rapporte les statistiques d’offre et de demande d’or. Voici leurs récentes données sur les réserves officielles d’or des banques centrales :

 

(Source)

 

À noter que les données de 2009 sont réduites d’un peu plus de 450 tonnes dans ce graphique afin de compenser l’annonce de la Chine, à savoir qu’elle avait secrètement acquis 454 tonnes lors des six années précédentes; donc ces données diffèrent peut-être quelque peu d’autres graphiques que vous pourriez voir. Il valait mieux retirer cette petite inexactitude de données. Les données pour 2012 et 2013 doivent également ignorer les données officielles de la Chine, parce que le pays a communiqué la dernière fois sur ses réserves officielles en 2009.

Uniquement en 2013, l’écart entre la consommation d’or apparente et la consommation rapportée était supérieur à 500 tonnes, et la banque centrale de Chine, pour plusieurs raisons, est le candidat le plus susceptible d'avoir absorbé une telle quantité. Cela voudrait dire que la Chine aurait augmenté ses réserves officielles, à elle seule, d’une plus grande quantité que le reste du monde en 2013.

Les statistiques du World Gold Council, la source des données ci-dessus, sont considérées comme les plus fiables. Personnellement, je ne les trouve pas si fiables, parce qu'elles ne concordent pas avec d’autres statistiques publiées; mais jetons tout d’abord un coup d’oeil sur la demande d’or en 2013 publiée par le WGC :

 

(Source)

 

Il faut retenir ici que la demande d’investissement a baissé, tandis que la demande en joaillerie, en pièces et en lingots a atteint de nouveaux sommets. La quasi-totalité de cette baisse de l'investissement a été provoqué par une réduction des réserves du GLD. Ce qui signifie que les mains faibles, surtout les occidentaux, se sont débarrassés de leur or, et que les mains fortes asiatiques, qui voulaient de l’or physique et des bijoux, s’en sont emparés.

Cette baisse brutale de la demande totale, due à une demande d’investissement en chute libre, concorde très bien avec la baisse du prix de 15% enregistrée en 2013. Donc, jusque là, les chiffres du WGC sont cohérents.

Mais le problème avec cette histoire, c’est que cela ne concorde pas avec les données exposées plus haut, sur l’appétit vorace des Chinois pour l’or, sans parler de la demande constante de l’Inde et de la demande en augmentation en Europe, au Moyen-Orient, en Turquie, au Vietnam ou en Russie.

 

Un résumé de l’analyse fondamentale de la demande d’or :

• Il y a un flux énorme et prononcé d’or de l’Ouest vers l’Est.

• La demande augmente de partout, sauf dans le véhicule d’investissement GLD (que je n’ai jamais aimé).

• Toute cette demande dépasse largement la production minière, ce qui signifie que les entrepôts des uns (à l’Ouest) se vident, tandis que ceux des autres (à l’Est) se remplissent.

Et à propos de cette offre...

L’offre d’or

Il n’est pas surprenant que les prix élevés des métaux précieux en 2010 et 2011 aient stimulé l’exploration et la production minières. Au contraire, le marché baissier de 2012 à 2014 a amené une diminution.

Cependant, la partie bizarre de cette histoire, d’un point de vue strictement économique, est qu’avec plus d’une décennie de hausse des prix, il y a eu, relativement, peu d’augmentation de la production minière. Pour ceux qui comprenent le phénomène d’épuisement, ce n’est pas surprenant du tout.

En 2011, les analystes de Standard Chartered ont calculé un très léger taux de croissance de la production d’or de 3,6% sur les cinq prochaines années, en se basant sur la diminution des teneurs en minerai et des coûts d’opération très élevés :

La plupart des commentaires sur l’or se concentrent sur les mouvements du dollar US ou sur des enjeux d’inflation/déflation. Nous allons au-delà pour examiner l’offre minière future, que nous considérons aussi importante. Dans notre étude de 375 mines et projets mondiaux, nous remarquons qu’après 10 ans de marché haussier, l’industrie minière d’or a peu fait pour assurer une nouvelle offre. Notre scénario donne une croissance de la production d’or de seulement 3,6% dans les cinq prochaines années.

 

(Source – Standard Chartered)

Depuis, la tendance pour des minerais à teneur plus faible et des coûts de production plus élevés s'est accentuée. Mais la chute brutale du prix de l’or en 2011 et 2012 a été le clou final du cercueil et a provoqué une baisse marquée des investissements des minières d’or.

Évidemment, rien de cela n’est surprenant pour quiconque comprend que nous sommes dans un cycle d’épuisement, mais c’est probablement un choc pour plusieurs économistes. Le rapport cité plus haut calcule aussi que les projets déjà existant qui débutent la production ont besoin d’un prix moyen de l’or de $1,400 pour justifier les coûts d'investissement, tandis que les nouveaux projets ont besoin d’un prix de $2,000 l’once.

Cette énorme augmentation des prix de l'or nécessaires pour justifier l'investissement est la même pour toutes les autres ressources qui s’épuisent : les coûts de l’énergie s’ajoutent à des teneurs en minerai de plus en plus faibles, et cela tend vers une augmentation exponentielle des coûts d'exploitation. Et ce n’est pas aussi simple que la quantité d’essence pour alimenter les D-9 de Caterpillar... c’est toute l’énergie contenue dans l’acier et toutes les autres composantes de l’industrie minière qui pompent de l’énergie tout au long de la chaîne de production.

Comme avec le Schiste bitumineux, où il semble que l’on ait toujours besoin d’un prix du pétrole $10 plus élevé que le prix actuel pour atteindre le seuil de rentabilité, la loi des horizons qui s’éloignent (law of receding horizons - où la hausse des coûts des intrants placent une ressource hors de toute portée économique) va faire en sorte que plusieurs gisements d’or intéressants, mais dilués, ne seront pas développés. Et, vu la baisse d'énergie nette, cela ressemble fortement à « pour toujours », selon moi.

Comme pour toute ressource, avant de la produire, il faut la découvrir. Donc, la relation entre les découvertes d’or et la production future est simple : plus vous en avez découvert par le passé, plus vous pourrez en produire à l’avenir, toutes proportions gardées.

Le prochain graphique devrait vous indiquer où nous en sommes dans le cycle de l’épuisement de l’or vu que, même avec les prix qui ont grimpé de façon constante entre 1999 et 2011 (allant de $300 l’once à $1,900), les découvertes d’or ont plongé en 1999 et n’ont jamais repris depuis.

 

(Source)

 

Nous voyons ici que la décennie 1990 a connu plusieurs grandes découvertes qui sont actuellement en production, mais que ce n’est pas le cas des années suivantes. Comme il faut environ dix ans pour mettre une mine en pleine production après la découverte, on peut dire avec justesse que nous bénéficions actuellement de la production découlant des découvertes des années ’90. La production future d’or sera largement tributaire des découvertes faites depuis.

En d’autres mots : attendez-vous à moins de production d’or à l’avenir.

Pendant ce temps, il y aura plus d'argent, plus de crédit, et plus de gens (en particulier à l'Est) en compétition pour cette offre limitée d'or.

Regardons l’offre d’or sous un autre angle, mais qui supporte le graphique ci-dessus montrant les plus petites découvertes au cours des dernières années.

La United States Geological Survey (USGS) conserve des tas de données sur presque toutes les ressources extraites du sol. Cet gouvernemental américain est crédible, il fait du bon boulot, et je ne détecte pas, pour le moment, d’influence politique dans les données publiées.

Quoi qu’il en soit, son dernier rapport révèle que son estimation la plus optimiste pour l’offre mondiale est de l’ordre de 52,000 tonnes de réserves d’or. Ce qui signifie que, au rythme d’extraction de 2012 de 2,700 tonnes, il y a des réserves équivalentes à 19 ans de production :

 

(Source)

 

Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura plus d’or disponible dans 19 ans, car les réserves dépendent toujours des prix, mais cela nous donne une idée de ce qui existe en ce moment aux prix actuels.

Même si j’aime bien le USGS, je ferai remarquer une différence flagrante dans leurs données pour exposer pourquoi je pense que ces réserves, comme celles de plusieurs ressources importantes comme le pétrole, sont probablement sur-évaluées. Et cela commence avec l’Afrique du Sud (ligne bleue pointillée dans le graphique ci-dessus).

Vous remarquerez que l’Afrique du Sud, avec 6,000 tonnes, possède les deuxièmes plus grandes réserves déclarées. Cependant, selon les données officielles du pays, ils disent avoir, étonnamment, 36,000 tonnes... qui dit vrai ?

Ni l’un, ni l’autre, en fait.

Premièrement, la vraie histoire de la production d’or Sud Africaine est évidente, si l’on regarde les données de production. Ces données nous montrent qu’elle a passé depuis longtemps son pic de production :

 

(Source)

 

Le pic de production a eu lieu il y a plus de 44 ans... ils en sont à 80% sous ce pic de 1970. Le graphique ci-dessus n’est même pas un peu en concordance avec les prétentions du gouvernement sud-africain de posséder 36,000 tonnes en réserve. Mais il faut avoir pitié du pauvre gouvernement sud-africain qui sait que ses exportations d’or représentent au moins un-tiers de toutes ses exportations. Évidemment, cela les arrange d’annoncer des réserves massives qui supporteront plusieurs années futures d’exportations robustes.

En lieu et place, les données de la production de l’Afrique du Sud peuvent être modelées avec les mêmes méthodes que pour toute ressource en diminution. Une telle analyse a été menée et à conclut qu’il ne restait qu’environ 2,900 tonnes d’or à extraire du sol en Afrique du Sud.

 

(Source)

 

Cette analyse est très saine, et les auteurs soulignent que les coûts sociaux, économiques, d’énergie et environnementaux d’extraction de ces 2,900 tonnes sont probablement plus élevés que la valeur actuelle au marché de ces mêmes tonnes. Si elles sont extraites, l'Afrique du Sud sera déficitaire pour ces efforts. C’est la même proposition perdante que si cela prenait plus qu’un baril de pétrole pour extraire un baril de pétrole du sol... c’est une activité à perte qui ne devrait pas être entreprise.

Cependant, pour plusieurs raisons politiques et économiques, l’extraction d’or continuera en Afrique du Sud. Mais, de façon réaliste, quelqu’un au gouvernement devrait réfléchir profondément à tout cela.

Peut-être reste-t-il 19 ans de réserves mondiales d’or (aux taux actuels de production), mais j’en doute.

Je crois plutôt que la production future d’or sera en déclin, avec des coûts d’extraction de plus en plus élevés. Et cela sera exacerbé par 80,000,000 nouveaux humains qui feront gonfler la population de la planète chaque année, par les centaines de millions d’Asiatiques qui joindront les rangs de la classe moyenne chaque année, et par les milliers de milliards de dollars de réclamations monétaires qui sont pousées dans le système chaque année.

Et ceci m’amène au dernier point de la partie acessible au public de ce rapport...

La rareté

Projetons-nous dix ans dans l’avenir et imaginons un monde où le pétrole coûte deux à quatre fois plus cher qu’aujourd’hui; nous devons nous poser des questions importantes :

• Combien de nos mines d'or et d'argent actuellement en activité, ou des mines de métaux de base dont l’or et l’argent sont des sous-produits, seront alors toujours en service ?     

• Combien fermeront parce que leurs coûts d’énergie excéderont leurs bénéfices ?

Après seulement cent ans d’extraction minière moderne, à l’aide de machines, tous les grands gisements de minerai ont disparus, la plupart des bons sont déjà en exploitation, et il ne reste que les plus pauvres.

Vous devriez alors vous demander pourquoi se donner tant de mal, à moins que ce soit la meilleure option qui reste ?

Des minières sud-africaines creusent plus profond pour augmenter la durée de vie des veines d’or.

 

17 février 2011

 

JOHANNESBOURG – Avec de moins en moins de découvertes d’or autour du monde qui pourraient être transformé en mines rentables, les mineurs d’or de l’Afrique du Sud planifient de creuser plus profond que jamais, afin d’accéder aux veines riches.

 

Le projet s’interroge sur la façon de miner en sécurité et de manière rentable à plusieurs kilomètres sous terre. Pour réussir, il faudrait surmonter des problèmes tels de possibles éboulements de roches, des inondations, des difficultés de ventilation, et inventer les technologies pour surmonter ces menaces.

 

Mark Cutifani, le patron de Anglo Gold Ashanti Ltd., a une photo de lui dans son bureau à un des points les plus profonds d’Afrique du Sud, environ 4,000 mètres, ou 13,200 pieds de profondeur, dans la mine Mponeng, au sud de Johannesbourg. M. Cutifani ne voit pas de raison pourquoi Mponeng, déjà la mine la plus profonde au monde, n’opérerait pas à 3,000 pieds plus profond.

 

« Les défis les plus critiques pour nous en Afrique du Sud sont la profondeur et l’épuisement des réserves », a déclaré M. Cutifani lors d'une interview.

Cet article n'est qu'une version différente de l’histoire qui mena à l’incident de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon. Des risques plus élevés et des défis techniques sont rencontrés par des personnes qui travaillent avec toujours plus d’acharnement pour compenser le manque de réserves de qualité auxquelles s’attaquer.

Le fait que des efforts exceptionnels soient réalisés pour aller chercher plus profond, vers des réserves de plus en plus petites et diluées, nous alerte sur où nous sommes dans le cycle de d’épuisement : nous sommes plus près de la fin que du début. Peut-être reste-t-il quelques décennies, mais nous ne sommes pas loin du jour où cela prendra beaucoup plus d’énergie pour extraire du nouveau métal que d’essayer de récupérer l’or déjà raffiné.

A ce moment là, nous ne pourrons pas en extraire plus du sol, et nous devrons trouver une façon de se partager les métaux déjà extraits. L’idée même de "limites physiques réelles" est nouveau concept que très peu de personnes ont intégré dans leurs actions. La plupart des gens échangent et investissent comme si l’avenir devait toujours apporter plus d’abondance, mais les données ne soutiennent plus cette vision.

Nous sommes à un moment de l’histoire où nous pouvons facilement entrevoir l’avenir et expliquer la baisse de production par habitant de nombreux éléments importants, seulement en ne se basant sur des teneurs en minerai qui diminuent constamment. L’or et l’argent tombent dans cette catégorie. L’épuisement des réserves est réel. Ce n’est pas quelque chose dont les générations futures auront à se préoccuper; c’est quelque chose que les gens d’aujourd’hui devront affronter.

La problématique de la fin du pétrole bon marché ne fait qu'exacerber la dynamique d'épuisement des réserves en raison de l'augmentation constante des couts énergétiques. Au cas où le pétrole atteignait un point de pénurie réelle, où autre chose que le prix causerait le rationnement, il faudra alors se demander où l'exploitation des mines marginales apparaitra sur la liste de priorité.... pas trés haut, selon moi.

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