La "japonisation des banques" est une nouvelle maladie de la finance contemporaine, apparue au Japon, elle s’étend progressivement, notamment en Europe. Comment se traduit ce dérèglement ? Les banques s’éloignent de leur métier de base, elles prêtent de moins en moins aux entreprises, parce que leur besoin de crédit augmente peu (contexte de croissance nulle) et, qu’en plus, la désintermédiation progresse (les entreprises se financent directement sur les marchés). Les crédits aux particuliers progressent peu ou reculent également, sous l’effet de la stagnation du pouvoir d’achat ou d’un niveau déjà élevé d’endettement. Reste un dernier emprunteur dont les besoins demeurent insatiables : l’État. Puisqu’il faut bien recycler l’argent des dépôts et placer l’épargne, les banques acquièrent toujours plus de sa dette.
Les banques japonaises ressemblent ainsi de plus en plus à des fonds obligataires avec, au passif, des dépôts et, à l’actif, des obligations du secteur public. Et dans ce modèle, c’est un peu "pile je gagne, face tu perds" : si les taux d’intérêt restent bloqués à zéro, les marges bancaires s’effondrent et c’est la faillite, et si les taux remontent nettement, la valeur des obligations détenues s’effondre, et c’est la faillite. Seule une remontée progressive et contrôlée des taux peut laisser espérer un retour à la normale sans trop de dégâts. Mais est-ce seulement possible ? Comment en effet remonter les taux d’intérêt alors que la croissance est nulle et que la dette (publique et privée) n’a cessé d’augmenter depuis la crise de 2008 ? Ce serait l’étranglement.
À l’origine de cette maladie chronique, le Japon est largement en avance sur l’Europe, ne serait-ce que du fait que sa dette publique atteint presque 300% du PIB, soit trois fois le niveau moyen de la zone euro. Mais les banques européennes prennent le même chemin avec la faiblesse de la demande de crédit et un encours de dette publique en augmentation. Les assureurs ne font pas autre chose, eux qui délaissent les placements mobiliers et immobiliers pour se gaver d’obligations publiques.
Au final c’est la fonction de transformation de l’épargne que n’assure plus le système financier. Sa raison d’être est remise en cause, tout simplement. Si les banques diminuent leur volume de crédit et que les entreprises et les particuliers se tournent vers d’autres moyens (marchés, crowdfunding), si les assureurs ne financent plus l’économie réelle, si ces acteurs se contentent d’acquérir de la dette publique, à quoi servent-ils ? Cette japonisation remet en cause le métier bancaire lui-même : un fonds obligataire ce n’est plus une banque. Rideau.
Le système se mord la queue : l’épargne captée par les banquiers et les assureurs sert essentiellement à financer la dette de l’État plutôt que l’économie réelle, il ne faut dès lors plus s’étonner de l’atonie de l’économie. L’État se croit intelligent en y répondant avec toujours plus de dépenses publiques pour "relancer" la croissance alors qu’il ne fait qu’aggraver le mal par ses déficits. Pendant ce temps-là, la dette augmente, rendant impossible toute remontée des taux à un niveau normal. On ne sortira pas de ce cercle vicieux sans une grave crise financière…
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